30 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (10)

(Suite et fin.)
Considérez en outre l’avantage précieux qui résulterait pour le colon de pouvoir partir de Tamatave ou y revenir de jour et de nuit, à l’heure qui lui serait la plus favorable, ou que ses affaires lui imposeraient. Alors qu’aujourd’hui il ne peut en sortir que le matin à heure fixe pour ne revenir que le soir aussi à heure fixe. Il ne peut ainsi ni revenir le matin, ni repartir le soir.
Mon interlocuteur ayant terminé, je lui répondis :
Je ne conteste pas les avantages sans nombre, inappréciables, que présenterait la réfection de ce canal. Vous ne les avez même pas tous énumérés, car il en est un entre autres, d’une extrême importance, qui à lui seul imposerait de faire ce travail. C’est l’assèchement et par suite l’assainissement de la grande plaine marécageuse qui, sur plusieurs kilomètres, entoure Tamatave, et que ce canal drainera, livrant ainsi à la culture des terres de première qualité.
Mais je ne partage pas votre opinion quand vous parlez du mauvais vouloir de l’Administration. Ne fût-ce que par amour-propre, – et il en a, – l’Administrateur-Maire de Tamatave ne voudra pas laisser une mauvaise impression dans l’esprit de ses administrés ; il est justement jaloux de sa réputation.
D’ailleurs, si les travaux de ce canal ne sont pas encore en voie d’exécution, c’est qu’ils ne peuvent l’être pratiquement que dans la saison sèche qui commence à peine en septembre, et des mesures seront prises pour qu’ils soient menés rapidement.
Du reste vous avez une garantie de leur exécution dans la promesse que Monsieur le Gouverneur Général en a faite aux colons, et vous savez par expérience qu’il tient sa parole quand il la donne. Vous pouvez donc être sûr que ce canal se fera, car il y tiendra la main, d’autant plus qu’il coûtera peu de chose à la colonie, les travaux devant en être exécutés par la main-d’œuvre pénitentiaire et prestataire.
Donc, à la prochaine fête, je vous invite pour une nouvelle excursion sur l’Ivondro, mais cette fois en pirogue par le nouveau canal !

Le Tamatave

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28 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (9)

(Suite.)
Dès lors, si toutefois on n’abandonne complètement l’idée première et les travaux commencés, de nouvelles études seront jugées nécessaires, et les anciennes iront rejoindre leurs devancières dans les cartons à oubliettes de la direction, si elles ne vont pas finir leur existence dans la hotte de quelque chiffonnier.
Avant M. Berthier, M. Goujon avait aussi entrepris le curage de ce fameux canal. Mais il n’avait eu d’autre but que de faire taire les colons en faisant semblant de leur donner satisfaction. De fait, en leur faisant ainsi venir l’eau à la bouche, il avait simplement renouvelé pour eux le supplice de Tantale.
Vous me trouverez un peu dur, ajoute mon interlocuteur ; mais pour bien vous rendre compte que je suis encore bien au-dessous de la vérité, il vous faudrait avoir vécu la vie réelle de colon sur un point quelconque de la vallée de l’Ivondro.
Par le chemin que nous avons suivi hier en filanzane pour gagner les rives du fleuve, vous vous êtes rendu compte qu’il est plus que chimérique de compter sur cette voie, si ironiquement qualifiée de route, quoique aujourd’hui relativement bien entretenue, pour transporter les approvisionnements absolument indispensables dans une ferme.
Encore plus grande est l’impossibilité d’écouler par cette voie les produits de la ferme sur Tamatave. Outre qu’une armée de bourjanes serait nécessaire pour cela, la valeur de beaucoup de ces produits ne suffirait pas à payer les frais de transport.
Il reste la voie fluviale. Mais à l’heure actuelle elle se termine à Mahatsara, à la gare du T. C. E. Là se présente une impossibilité d’un autre genre.
Pour voyager en chemin de fer, les produits doivent être soigneusement emballés et pouvoir séjourner pendant un certain temps, sans détérioration, dans leur emballage.
Or si quelques produits de la ferme sont assez riches pour remplir ces conditions et supporter ces frais, combien d’autres qui ne le peuvent pas, et dont la vente cependant pourrait couvrir les frais généraux, augmenter d’une façon notable les bénéfices du colon, et en sauver plusieurs de la ruine.
(À suivre.)

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27 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (8)

(Suite.)
Votre zélé administrateur doit faire entreprendre les travaux de ce nouveau canal, incessamment a-t-il dit !
Mais alors même qu’il le ferait, vous pouvez être certain qu’une circonstance fortuite… – oh ! très fortuite ! soyez-en sûr ! – viendra forcer d’interrompre ces travaux… qu’on vous promettra de reprendre… encore incessamment !…
Et pendant que cet incessamment s’amène, vous, mon brave colon, attendez sous l’orme, serrez-vous le ventre, et grattez-vous les pouces, vous en aurez tout le loisir, car pendant ce temps votre zélé administrateur sera parti en congé, sans esprit de retour, du moins dans notre bonne ville, vous laissant le bec dans l’eau, riant comme un bossu de la façon magistrale avec laquelle il vous aura roulé !!
Son successeur ?… Vous le relancerez à son tour. Je le suppose aussi zélé et aussi aimable, sinon il vous mettra carrément à la porte…
Mais il ne connaîtra pas la question, – ou fera semblant de ne pas la connaître, ce qui reviendra au même. Il demandera le temps d’étudier, de réfléchir…
Le chef du service des Travaux Publics, qui a fait procéder aux études actuelles, parti en congé lui aussi, – ou expédié ailleurs, – ne sera pas là pour donner des explications au nouvel administrateur.
(À ce sujet, j’ouvre une parenthèse pour vous faire remarquer que, dès que nous avons eu de la chance, inespérée, de posséder un bon employé, travailleur et honnête, on s’empresse de l’envoyer ailleurs, rendant ainsi inutiles les études qu’il a faites, et l’expérience qu’il a acquises des choses et des besoins de la région. Mais, par contre, les mauvais employés nous sont précieusement maintenus, tout cela sous le prétexte on ne peut plus fallacieux qu’on ne sait où les mettre !!…)
Donc le nouvel administrateur et le nouveau chef du service régional étudieront les plans et les travaux commencés ou exécutés par leurs prédécesseurs et, naturellement, – il ne faut pas être grand clerc, ni sorcier, pour prédire ce qui arrivera, – ils leur trouveront des défauts qui leur serviront de prétexte pour ne pas les continuer.
(À suivre.)

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26 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (7)

(Suite.)
Un de mes compagnons de route, à qui je faisais part de mes observations, m’exprime la crainte que l’administration ne soit portée à suivre les errements dont la Compagnie des Pangalanes s’est rendue coupable, et qu’elle ne fasse point procéder à la réfection de ce canal, afin de maintenir au profit du T. C. E. tout le trafic qui se ferait par le dit canal.
À l’appui de ses dires, il rappelle qu’il va y avoir deux ans, l’administration, pour faire taire les colons et leur laisser croire qu’on allait leur donner satisfaction, fit procéder à des travaux de curage promptement interrompus.
Du reste, ces travaux n’ont fait que rendre désormais impossible toute circulation sur ce canal, qui auparavant continuait à donner passage aux petites pirogues, et même aux grandes dans la saison des pluies. Aujourd’hui, grâce à eux, et surtout grâce au pont que le service du T. C. E. a fait jeter sur ce canal, et au moyen duquel il a eu l’habileté de rendre toute réfection impossible, ce canal est fini ! Il ne servira plus, même clandestinement, comme autrefois !… Il est fini !!…
Voyons, lui dis-je, ne soyez pas si pessimiste ! Le T. C. E. ne saurait accepter d’hériter, pour les continuer, des erreurs et des fautes commises par la Compagnie des Pangalanes ! D’ailleurs vous savez bien que l’administration fait procéder actuellement à l’étude consciencieuse d’un nouveau tracé appelé à rendre plus de services que l’ancien. Le zélé administrateur actuel de Tamatave, dès que les études et plans seront terminés, doit faire exécuter les travaux sans retard, incessamment.
Benêt que vous êtes ! me répondit-il. Comment ! vous aussi vous vous y laissez prendre, vous aussi ! et vous n’avez pas remarqué l’habileté avec laquelle votre zélé administrateur sait répandre autour de lui, et à pleins seaux, de la belle eau bénite de cour ?? Des promesses distribuées de la façon la plus aimable… mais il en pleut chez lui ! Oubliez-vous la façon gracieuse avec laquelle il avait fait entreprendre la réfection du dit canal, pour aboutir… à son annihilation complète ??
(À suivre.)

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25 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (6)

(Suite.)
Ce qu’il y a de plus irritant encore dans cette négligence voulue qui a fait se détruire le canal d’Ivondro à Tamatave, c’est que cela n’a été fait que pour favoriser la Compagnie des Messageries françaises, concessionnaire du canal des Pangalanes, en obligeant tout le trafic de la vallée de l’Ivondro et du Sud à passer par ses mains.
Et cela a été fait en plein dix-neuvième siècle, au mépris de la loi et en violation formelle du contrat intervenu entre la colonie et la Compagnie concessionnaire qui, ayant établi une voie ferrée d’Ivondro à Tamatave, était tenue d’exécuter ce qui est stipulé en l’art. 5 de son cahier des charges, dont la teneur suit :
« Art. 5. – Le concessionnaire sera tenu de maintenir les communications existantes des deux côtés de la voie navigable ou de la voie de fer qu’il établira, au moyen soit de ponts, soit de barques, selon les dispositions qui seront arrêtées par le Gouverneur Général, eu égard aux besoins de la circulation. »
Non seulement elle n’a pas entretenu ce canal en bon état de circulation, mais encore, avec la complicité de l’Administration, elle a défendu d’y passer, tant aux colons qu’aux indigènes, et cela sous menaces de procès-verbaux et de poursuites en justice.
Cette manière d’agir, aussi inique qu’anticoloniale, a-t-elle profité beaucoup à la Cie des Messageries françaises et a-t-elle fait affluer les recettes dans sa caisse ?
Pas le moins du monde ! Elle n’a fait que nuire à ses propres intérêts, tout en ruinant les colons établis dans la zone desservie par elle, obligeant ceux qui ont pu fuir à aller porter ailleurs leur activité et leur intelligence, je ne dis pas leurs capitaux, puisqu’ils partaient ruinés.
Les indigènes en ont fait autant et les villages dans cette zone se sont dépeuplés.
Puis, on criera bien haut que les colons, quand ils se plaignent, ne sont que des grincheux, des êtres insupportables qu’il n’y a pas moyen de contenter.
 (À suivre.)

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24 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (5)

(Suite.)
Nous avons demandé par quelle voie l’usine de Las Palmas pouvait écouler ses produits sur Tamatave. On nous a répondu qu’après être arrivés sur des chalands par la rivière, en face de la gare de Mahatsara, ils étaient débarqués à dos d’homme et transportés de même jusqu’à cette gare, d’où ils étaient expédiés sur Tamatave par le T. C. E.
Or cette gare se trouve à 300 m. de la rivière. On devine combien ce transbordement est pénible, coûteux, et les dangers de détérioration qu’il présente pour les produits en cas de mauvais temps qui presque toujours se présente d’une façon si imprévue.
Mais il y a quelque chose de bien plus irritant et qui est loin de faire honneur à notre administration.
C’est qu’à l’époque où la France a conquis Madagascar, les colons de l’Ivondro et de toute la zone environnante pouvaient se rendre à Tamatave avec leurs pirogues et leurs canots, directement, sans transbordement d’aucune nature, par le Tapakala et un canal creusé de main d’homme par Radama qui reliait le fleuve de l’Ivondro à la rivière du Manangarèze et par suite au port de Tamatave.
C’est même par cette voie fluviale qu’on été transportés les hommes et les canons qui allaient attaquer le fort de Farafatra, en contournant les marais.
C’est encore par cette voie que la Cie des Messageries françaises des Pangalanes a transporté partie du matériel qu’elle a installé dans ses ateliers de l’Ivondro.
C’est enfin par cette unique voie existant alors que se faisait tout le transport allant soit vers le Sud, soit vers Tananarive.
Eh bien ! – on le croira difficilement, mais il faut cependant le reconnaître, et il ne sera peut-être pas inutile de le répéter, – ce que les rois de l’Émyrne, rois sauvages, se plaît-on à dire, avaient eu l’intelligence de faire, nous, les conquérants civilisés, nous l’avons détruit, alors que dans toutes les parties du monde, il est bien établi que les voies de communication les plus économiques, les plus faciles, celles que l’on s’efforce d’établir partout où cela est possible, même en concurrence avec des chemins de fer, ce sont les voies fluviales, le chemin qui marche.
(À suivre.)

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23 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (4)

(Suite.)
Une nuée de manœuvres se meut et circule en bon ordre, autour des machines, autour des bassines, des séchoirs, des bassins de décantation, etc., semblables à des abeilles dans une ruche à miel.
C’est M. Grenard jeune qui est le directeur de cette importante usine, qui en a été le créateur et qui en est l’âme. Fondée très économiquement, et très modestement il y a deux ans à peine, dès la seconde année elle a pris le développement que j’ai essayé de décrire, développement qui sera plus considérable encore l’année prochaine. Aussi habilement conduite, où s’arrêtera-t-elle ? D’ailleurs son directeur étudie, à cette heure, le moyen d’utiliser les déchets et les sous-produits, ce qui augmentera considérablement les bénéfices.
Mais l’usine de Las Palmas ne sera pas seule à contribuer au développement de notre colonie. Sans nous écarter de notre région, et sans compter l’usine plus ancienne établie sur l’Ivoloina, nous nous sommes laissé dire qu’un négociant, des plus honorables et des plus estimés de notre place, montait, aux environs d’Andevorante, une usine dans le genre de celle de Las Palmas.
C’est donc avec raison qu’on peut crier bien haut que Madagascar progresse, mais progresse à pas de géants contre vents et marées !! Car ce même mouvement ascensionnel se fait remarquer dans d’autres branches de sa richesse.
Après avoir longtemps admiré le fonctionnement de l’usine de Las Palmas, la blancheur et la perfection de ses produits, et chaudement félicité son intelligent directeur, nous avons dû reprendre le chemin de Tamatave, en suivant de nouveau le cours du fleuve, en pirogues, jusqu’à la gare de Mahatsara sur le T. C. E.
Là, des constatations plutôt amères sont venues jeter du noir sur les impressions si agréables que nous rapportions de la seconde partie de notre voyage.
 (À suivre.)

Le Tamatave

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20 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (3)

(Suite.)
Monsieur le Directeur du journal Le Tamatave,
L’hospitalité que vous avez bien voulu donner à ma précédente lettre m’encourage à vous adresser la suite du compte-rendu de notre excursion.
Je vous ai fait connaître l’énorme quantité de manioc qui se récoltait tous les jours à Tsarasaotra. Mais ce domaine n’est pas le seul produisant ce précieux tubercule. D’autres propriétaires voisins le cultivent également, et nous allons voir à quelle utilisation il est destiné.
Renonçant au filanzane, nous prenons la voie la plus commode, plus confortable du fleuve, et descendant son courant, deux heures de pirogues nous amènent au domaine « Las Palmas », autre propriété que M. Peyronnet possède en société avec MM. Grenard jeune, et Cie.
Là aussi se voient d’interminables enfilades de manioc, escaladant les collines, dévalant dans les bas-fonds, et se perdant à l’horizon.
Mais une surprise d’un autre genre vous attend au débarcadère.
À mi-coteau, au-dessus de votre tête apparaissent de vastes constructions surmontées de cheminées qui fument, et le bruit intense de machines qui y fonctionnent vient frapper vos oreilles.
C’est là l’usine où s’engloutit tout le manioc récolté dans la région, pour le transformer en tapioca et en fécule. Chaque jour, depuis le mois de juin dernier, elle absorbe trente-cinq tonnes de tubercules frais, j’ai dit trente-cinq tonnes… qu’elle convertit en produits que je viens d’indiquer, et elle continuera son œuvre jusqu’à la fin de la récolte, en octobre prochain.
Une chaudière de la force de 100 H. P. fournit la vapeur nécessaire au séchage des produits, et une machine à vapeur de 18 H. P. donne le mouvement à l’outillage employé, dont je me bornerai à donner l’énumération grosso modo. Il comprend des laveurs, des râpes, des barboteurs, des tamis, des malaxeurs et d’autres machines, très perfectionnées et récemment arrivées qui servent à donner la dernière main, pour ainsi dire, à perfectionner le tapioca et la fécule.
(À suivre.)
Le Tamatave

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19 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (2)

(Suite.)
Après avoir franchi la zone marécageuse et être arrivé sur les hauteurs de Farafatra, le chemin n’est plus qu’une série de montagnes russes, où la virtuosité malgache semble s’être donné libre carrière pour rendre impossible tout autre moyen de transport et de locomotion que le bourjane et le filanzane, et pour allonger la route d’une façon invraisemblable en la faisant revenir constamment sur elle-même.
Mais comme on est bien récompensé des fatigues et des émotions quand on arrive au sommet de la dernière colline qui borde la rive gauche de l’Ivondro. Là, une vue splendide s’offre à votre regard, et vous l’apprécierez d’autant plus que pendant des heures vos yeux n’ont eu à contempler que la région absolument désertique et dénudée que vous traversiez.
À vos pieds se déroule en larges méandres le beau fleuve de l’Ivondro, parsemé d’îlots boisés et bordé partout d’une ceinture d’arbres vert foncé.
Puis, à perte de vue, sur les deux rives du fleuve, et grimpant jusqu’au sommet des coteaux, l’œil contemple, avec l’étonnement et la surprise que l’on devine, des enfilades sans nombre de plantes régulièrement disposées.
Nous sommes sur les terres de M. Peyronnet qui s’empresse de venir au-devant de nous, avec la cordialité qui le caractérise et semble tout heureux de nous faire les honneurs de son beau domaine. Il est tout naturel qu’il trouve quelque satisfaction à nous voir admirer l’œuvre qu’on peut qualifier de gigantesque, accomplie par lui en moins de deux ans de labeur, car il n’y a que dix-huit mois qu’il a commencé ses travaux.
Le secret de cette fécondité et de cette rapidité de production est dans la façon dont les terres, excellentes en elles-mêmes, ont été préparées.
Puis une distribution intelligente du travail et un ordre parfait existent parmi ces centaines d’ouvriers qui, s’ils sont menés d’une main ferme, sentent du moins que cette main est tout à fait paternelle.
Je n’entrerai pas dans le détail de cette organisation modèle, car cela m’entraînerait trop loin et dépasserait de beaucoup le cadre de ma lettre, déjà beaucoup plus longue que je ne comptais la faire en commençant.

(À suivre.)
Le Tamatave

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18 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une excursion sur l’Ivondro (1)

Monsieur le Directeur du journal Le Tamatave,
À maintes reprises j’ai pu lire dans votre vaillante feuille l’opinion émise par vous sur l’avenir de Madagascar.
Cet avenir, vous l’estimez des plus brillants, en raison des ressources de toute nature, intrinsèques, incalculables que possède notre belle colonie.
Votre satisfaction doit être grande à constater que chaque jour les faits viennent vous donner raison et établir, par les progrès réalisés, que vous avez été prophète clairvoyant.
Ce que j’ai à vous conter aujourd’hui vient corroborer mes dires, en même temps que vos prévisions. Voici :
La fête du 15 août, en tombant un vendredi, nous a procuré ce que l’on est convenu d’appeler… un pont, c’est-à-dire trois jours suivis de repos, – trois jours de congé, – bien difficiles à passer, – sans ennui profond, – dans notre bonne ville de Tamatave qui, pour être charmante, n’en manque pas moins de distractions.
D’où, nécessité d’aller en chercher par ailleurs.
Mais Tamatave ne possède pas de banlieue habitée, ni même habitable ; comme tout le monde sait, elle est séparée de son hinterland par une série de marais, encore incultivables.
Si l’on excepte la route de l’Ivoloina ou du Jardin d’Essai, il ne reste, pour franchir la zone des marais, que le chemin de Farafatra. À ce point de vue, Tamatave est une des villes les plus mal partagées de la Colonie, et le filanzane y est encore un des moyens de transport des plus appréciés.
D’ailleurs on nous avait dit que le chemin qui, par Farafatra, conduit de Tamatave à l’Ivondro, avait été remis à neuf par le zélé chef de district actuel, ce fut donc dans cette direction que fut organisée une partie de plaisir dont j’étais, et nous voilà partis à la première heure du jour, avec une armée de bourjanes.
La première impression que produit la voie de communication, la principale peut-on dire, allant de Tamatave vers l’intérieur, n’est pas des meilleures. On est à se demander à quoi a bien pu être employée la main-d’œuvre tant prestataire que pénitentiaire depuis dix-huit ans que la France occupe Madagascar !
(À suivre.)

Le Tamatave

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16 septembre 2013

Il y a 100 ans : Bricoles

Il y a des gens qui s’obstinent à ne pas vouloir comprendre pourquoi les coloniaux se montrent si empressés à regagner leurs pénates coloniales après un court séjour en France. La raison en est cependant simple comme une formule de politesse administrative. C’est qu’ils ne s’y meuvent pas à l’aise. Dans le temps un homme, dont l’existence tint une grande place dans les préoccupations du monde, que par convention on appelle toujours civilisé, Bismarck, écrivit une satire mordante des mœurs de l’époque (1860) et de l’esprit de discipline qui régnait au beau moment de l’autorité impériale : « … on ne peut se tenir tranquille, sans entendre à côté de soi : Circulez s’il vous plaît. Je ne serais pas étonné de voir au lever du matin un visage avec moustache et impériale sous un chapeau de guingois qui me dise avec la politesse d’un gardien de prison : Pissez s’il vous plaît, changez de chemise s’il vous plaît. On cesse de se moucher, d’éternuer à sa volonté dès qu’on met le pied dans cette ornière. »
Nous, les coloniaux d’aujourd’hui, sommes comme le Bismarck de 1860, nous voulons pouvoir éternuer sans qu’on nous y invite.
*
Il paraît, dit un journal métropolitain, que la résolution de la question immigration main-d’œuvre à Madagascar est excessivement grave. Elle nécessite l’intervention de la maison qui est au coin du quai.
Or, comme par là on est assez embarbouillé par les histoires de brigand, provoquées par l’intransigeance de Monsieur Ferdinand, il y en a pour un sacré moment avant que l’on s’en occupe.
D’autre part, comme au ministère, il faut se préoccuper de la pénurie des ronds de cuir, de donner satisfaction aux amicales de budgétivores, de pourvoir aux nominations de gouverneurs, etc., etc., à propos des nominations de gouverneurs indigènes, il paraît qu’il fut à un moment donné question de tirer au sort entre les administrateurs en chef et les secrétaires généraux, mais le garçon du bureau du ministre a fait remarquer que c’était contraire aux usages.
Au fond, pour nous colons, ça n’a pas d’importance, ce qui en a, c’est que nos affaires sont reléguées à l’arrière-plan.
« Des Petites Affiches. »

Le Progrès de Madagascar

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15 septembre 2013

Il y a 100 ans : Un administrateur colonial arrêté à Madagascar

L’Agence Fournier a publié la dépêche suivante :
« Tananarive, le 17 août. – M. Gauthier, administrateur des colonies, chef du district de Mananjary, a été placé sous mandat de dépôt sous l’inculpation de coups et blessures ayant entraîné la mort.
« Au cours de l’exécution des travaux de route effectués par les prestataires indigènes, deux de ceux-ci ont été frappés par M. Gauthier et sont morts quelques jours après des suites de leurs blessures. »
Au ministère des colonies, on déclare qu’il y a déjà quelque temps M. Picquié a informé le ministre de ces faits : le gouverneur général l’avisait qu’il avait saisi l’autorité judiciaire.
Le rapport sur ces faits n’est pas encore parvenu à Paris.
M. Émile-Alexandre Gauthier est né le 10 juillet 1867, à Arcueil (Seine). Météorologiste adjoint à l’Observatoire de Montsouris de 1884 à 1889, il entra en 1891, après son service militaire, à la préfecture de la Seine.
Nommé le 9 juin 1903 adjoint de 1re classe des services civils à Madagascar, il a été promu administrateur adjoint de 3e classe des colonies le 12 août 1905, de 2e classe en 1908 et de 1re classe en 1911.
La Lanterne

Crédits supplémentaires

Un certain nombre de crédits supplémentaires viennent d’être ouverts par décrets aux différents budgets de Madagascar. La plupart d’entre eux sont destinés à réparer les dégâts causés par les derniers cyclones. On sait, en effet, qu’un formidable cyclone a sévi du 21 au 26 février 1913 dans les provinces du centre et du sud-ouest.
À Anjouan, le cyclone du 3 avril, à Mohéli et à la Grande-Comore celui du 6 avril, ont causé des dégâts supplémentaires auxquels la première somme de 650 000 francs n’a pas permis de faire face. D’autre part, l’administration du chemin de fer a demandé, pour assurer l’acquittement des indemnités pour avaries, pertes et retards à payer à la suite des derniers accidents météorologiques, l’octroi d’une somme globale de 35 000 francs.
À signaler enfin, parmi les nouveaux crédits, une somme de 10 000 francs permettant de porter de 50 000 à 60 000 francs la pension de l’ex-reine de Madagascar Ranavalo.

L’Aurore

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14 septembre 2013

Il y a 100 ans : Les garanties judiciaires à Madagascar

La Ligue des Droits de l’Homme vient de transmettre et de recommander au Gouverneur Général de Madagascar une requête de sa section de Majunga qui proteste contre l’absence de garanties pour les justiciables de Madagascar et demande notamment que les réformes suivantes soient accomplies d’urgence :
1° Que le magistrat qui a fait l’instruction des crimes ne puisse présider la Cour criminelle qui connaît de ces crimes ;
2° Que le droit de récusation soit admis contre les assesseurs adjoints de ces Cours criminelles ;
3° Que les Administrateurs chefs de province qui sont chargés de la justice par l’article 8 du décret du 9 juin 1896 n’aient pas d’attributions correctionnelles, mais uniquement de simple police – la confusion entre leurs mains des pouvoirs administratifs et judiciaires entraînant les plus graves abus ;
4° Que le nombre des magistrats soit augmenté de façon à ce que les vacances ne désorganisent pas le service et de façon à ce que la fonction de juge-président ne soit jamais confiée à un magistrat d’un grade inférieur à celui qui est indisponible ou en congé ;
5° Que le recours en annulation devant la Cour de Tananarive soit admis pour les indigènes jugés par la Cour criminelle de droit commun. En effet, les indigènes n’ont actuellement aucun recours contre ces décisions, alors que s’ils sont jugés par les tribunaux indigènes ils ont la garantie d’un arrêt d’homologation par la Cour de Tananarive. De sorte que la juridiction de droit commun est beaucoup plus dangereuse pour les indigènes que la juridiction d’exception et les indigènes des colonies françaises sont beaucoup moins bien traités que les étrangers et même les indigènes des pays étrangers résidant à Madagascar qui, eux, jouissent du recours en cassation.
Les Annales coloniales

Carnet mondain

Nous apprenons le prochain mariage de Mademoiselle Faucillon, fille de Madame et Monsieur Faucillon, entrepreneur de travaux publics, avec M. Mazier, employé des domaines.
Le Progrès présente ses félicitations et ses vœux de bonheur aux futurs époux.

Le Progrès de Madagascar

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13 septembre 2013

Il y a 100 ans : Les événements et les hommes

– Ça fait toujours plaisir : un nouvel évêché vient d’être créé à Fianarantsoa. Le nouvel évêque est Mgr Givelet, ancien supérieur de la mission catholique du Betsileo.
Gageons que ce saint homme est plus heureux sous le paternel gouvernement de l’aimable Albert Picquié que n’importe quel colon de la Grande Île !
– Un commerçant de Tananarive vient d’organiser un service de transports automobiles entre cette ville et Antsirabe. Les prix sont, paraît-il, assez abordables pour permettre à nombre de nos compatriotes d’imiter leur bouillant Gouverneur et d’aller faire leur petite cure au Vichy malgache.
– Comment se fait-il qu’au début de juillet on ait découvert un Chinois assassiné dans son arrière-boutique, à Tananarive, égorgé, assommé, éventré, simplement !
La caisse était cambriolée.
Nous qui pensions que depuis le fameux règlement sur les Antaimoronas, seuls coupables de tous les crimes commis dans la Grande Île, l’âge d’or allait renaître et la fleur de la plus pure vertu s’y épanouir au paisible sommeil gouvernemental !
Est-ce que nous nous serions trompés, ou bien serait-ce M. Picquié qui, après tout, malgré ses alliances et ses affections ultra-cléricales… n’est pas le Pape ?…
– L’aviation va prendre à Madagascar un nouvel essor. En effet, l’outillage attendu de France est arrivé actuellement à Tananarive.
Le terrain d’Androhibe, où fut installé le premier champ d’aviation, va être abandonné pour un aérodrome plus grand et plus favorable aux atterrissages.

Démenti

Un journal a annoncé hier que M. Xavier Loisy, inspecteur des colonies, chef de cabinet de M. Jean-Baptiste Morel, deviendrait sous peu Gouverneur des colonies et serait chargé de l’intérim du Gouvernement général de Madagascar jusqu’à ce qu’un successeur soit donné à M. Picquié.
On nous prie de déclarer que cette information est erronée en tous points : il n’a jamais été question de confier à M. Loisy aucun gouvernement, aucun intérim, pas plus à Madagascar qu’ailleurs.

Les Annales coloniales

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11 septembre 2013

Il y a 100 ans : L’art colonial et le palais de la Reine à Tananarive

Le Figaro annonce que M. Picquié, avec la collaboration de M. Louis Dumoulin, président de la Société coloniale des Artistes Français, va poursuivre l’organisation d’un musée d’art à Tananarive.
D’après M. Dumoulin, une quarantaine de ses confrères ont déjà spontanément offert des œuvres pour ce musée. Parmi ces artistes, on cite MM. Roll, Henri Gervex, Jean Beraud, Montenard, etc.
Ce musée, installé dans l’ancien palais de la Reine qui domine si pittoresquement la ville, sera orné non seulement de collections d’artistes français, mais encore d’artistes malgaches, car il y a dans l’Imerina de véritables artistes.
Les peintres malgaches, disait M. Louis Dumoulin qui a passé près d’un an parmi eux, sont pleins de goût, et dès qu’ils seront encouragés, ils se découvriront une personnalité et puiseront dans la nature même de leur pays des éléments d’art dont l’interprétation leur sera aisée.
Il n’est pas douteux que quelque jour certaines de leurs œuvres ne puissent prendre une place honorable à côté de celles des peintres et sculpteurs français, qu’aura choisies pour le musée de Tananarive M. Picquié.
Voilà certes, ajoute le Figaro, un groupement artistique qui ne manquera pas d’originalité. Mais faudra-t-il aller jusqu’à Tananarive pour voir un tel musée ?
Le voyage ne sera pas indispensable, car il y a un autre projet en perspective : celui d’un musée colonial permanent à Paris, musée où seraient exposées, avec les œuvres des artistes de la métropole, les peintures et les sculptures des artistes indigènes formés par l’école française.
P. D.
Le Tamatave

À la Chambre

L’entretien du câble Madagascar-La Réunion. – M. Gasparin, député, a demandé par question écrite, en date du 8 août 1913, au ministre du commerce, de l’industrie, des postes et des télégraphes de faire connaître approximativement le montant des sommes dépensées annuellement depuis cinq ans pour l’entretien du câble reliant la Réunion à Madagascar.

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9 septembre 2013

Il y a 100 ans : Une exécution capitale à Tamatave

Ce matin à 6 h., un indigène du nom de Toambo a été fusillé à Tamatave, au lieu ordinaire de ces sortes d’exécution, sur le bord de la mer, en face du magasin à pétrole.
Nos lecteurs se souviennent qu’il y a quelque temps, une boutique de Chinois, sur la route de Mahatsara, fut attaquée par des malfaiteurs indigènes. Des trois Chinois qui s’y trouvaient, un fut tué sur le coup, un autre blessé grièvement, et le troisième réussit à se sauver. Après quoi la boutique fut dévalisée par les malfaiteurs.
L’information a établi que ce crime avait été commis par trois indigènes qui, tous trois, ont été condamnés à mort. Malheureusement, l’un des trois n’a été condamné que par contumace, et un second a vu sa peine commuée en celle des travaux à perpétuité.
Le troisième, Toambo, est celui qui a été exécuté ce matin.
Malgré le soin qu’on avait eu de tenir cette exécution secrète, une foule nombreuse, tant d’Européens que d’indigènes, s’était rendue sur les lieux.
C’est la milice malgache qui a fourni le peloton d’exécution sous les ordres d’un adjudant indigène. Le feu a été exécuté avec une telle précision qu’on n’a entendu qu’un seul coup, et que les balles ont traversé le poteau même auquel le condamné était attaché.
Le sergent indigène qui accompagnait le peloton lui a donné le coup de grâce.
La justice humaine ayant accompli son œuvre, le corps du supplicié a été conduit au cimetière malgache par quatre hommes et un caporal de la police.
Le service d’ordre était assuré par la police assistée d’un fort détachement de tirailleurs.
Aucun incident à signaler.
Le Tamatave

À la Chambre

L’organisation d’une Trésorerie à Madagascar. – Un député avait demandé, par question écrite en date du 7 juillet, au Ministre des finances, quelles objections ont été formulées par son département au projet d’organisation d’une trésorerie locale à Madagascar.
Le ministre a répondu : « Le département des finances n’a été saisi d’aucun projet d’organisation d’une trésorerie locale à Madagascar. »

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8 septembre 2013

Il y a 100 ans : Le bassin de radoub de Diégo-Suarez (3)

(Suite et fin.)
Une discussion s’élevait-elle entre l’ingénieur et l’entrepreneur ? Le capitaine de frégate la tranchait, souvent contre l’avis du technicien responsable, au moins en théorie. Ce dernier s’inclinait parfois, parfois résistait. Dans cette deuxième hypothèse, le différend était porté devant le ministre, d’où des retards invraisemblables dans les règlements et parfois même dans la continuation des travaux.
Aussi, la direction technique changea-t-elle sans cesse. On vit défiler des officiers de l’artillerie coloniale, du génie, des ingénieurs civils, des officiers d’administration à la tête du service technique. Les mutations étaient le plus souvent déterminées par des conflits entre les ingénieurs civils ou militaires et le capitaine de frégate. Pour le choix des techniciens, la marine se préoccupait avant tout de leur grade, il fallait qu’il fût inférieur au capitaine de frégate, qu’il n’eût pas plus de quatre galons. Militaires du génie et de la coloniale étaient capitaines, du corps des ponts ils ne pouvaient être qu’ingénieurs ordinaires.
Ce que donnerait cette organisation, il était facile de le prévoir, et l’événement a tristement justifié les prévisions. Le bassin, commencé depuis douze ans, ayant englouti des millions, n’est pas achevé. La dernière bévue retardant son ouverture est de taille : les portes de fer, envoyées de France, étaient trop larges ! Il a fallu les retourner et on attend celles qui seront à la mesure.
La marine se désintéresse de l’achèvement. Fachoda est loin, l’entente cordiale vaut mieux que les points d’appui. La défense mobile sera supprimée un jour ou l’autre.
Les six torpilleurs, ridicules rafiots qui pendant toute la mousson ne pouvaient sortir de la rade et étaient d’une valeur militaire nulle, sont démolis et vendus : nous avons là-bas encore quelques marins sans bateaux, ils continuent.
Et la marine s’en ira, laissant en plan le bassin inutilisable, passant par profits et pertes les millions qu’il a coûtés.
Nous ne pouvons laisser s’accomplir un gaspillage si scandaleux.
Victor Augagneur.
Député du Rhône, ancien Ministre, ancien Gouverneur Général de Madagascar

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