(Suite et fin.)
Une discussion
s’élevait-elle entre l’ingénieur et l’entrepreneur ? Le capitaine de
frégate la tranchait, souvent contre l’avis du technicien responsable, au moins
en théorie. Ce dernier s’inclinait parfois, parfois résistait. Dans cette deuxième
hypothèse, le différend était porté devant le ministre, d’où des retards
invraisemblables dans les règlements et parfois même dans la continuation des
travaux.
Aussi, la direction
technique changea-t-elle sans cesse. On vit défiler des officiers de l’artillerie
coloniale, du génie, des ingénieurs civils, des officiers d’administration à la
tête du service technique. Les mutations étaient le plus souvent déterminées
par des conflits entre les ingénieurs civils ou militaires et le capitaine de
frégate. Pour le choix des techniciens, la marine se préoccupait avant tout de
leur grade, il fallait qu’il fût inférieur au capitaine de frégate, qu’il n’eût
pas plus de quatre galons. Militaires du génie et de la coloniale étaient
capitaines, du corps des ponts ils ne pouvaient être qu’ingénieurs ordinaires.
Ce que donnerait cette
organisation, il était facile de le prévoir, et l’événement a tristement
justifié les prévisions. Le bassin, commencé depuis douze ans, ayant englouti
des millions, n’est pas achevé. La dernière bévue retardant son ouverture est
de taille : les portes de fer, envoyées de France, étaient trop
larges ! Il a fallu les retourner et on attend celles qui seront à la
mesure.
La marine se désintéresse
de l’achèvement. Fachoda est loin, l’entente cordiale vaut mieux que les points
d’appui. La défense mobile sera supprimée un jour ou l’autre.
Les six torpilleurs,
ridicules rafiots qui pendant toute la mousson ne pouvaient sortir de la rade
et étaient d’une valeur militaire nulle, sont démolis et vendus : nous
avons là-bas encore quelques marins sans bateaux, ils continuent.
Et la marine s’en ira,
laissant en plan le bassin inutilisable, passant par profits et pertes les
millions qu’il a coûtés.
Nous ne pouvons laisser
s’accomplir un gaspillage si scandaleux.
Victor Augagneur.
Député du Rhône, ancien Ministre, ancien Gouverneur Général de Madagascar
Les Annales coloniales
Madagascar il y a 100 ans - Janvier 1913 est disponible :
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