16 août 2018

Il y a 100 ans : Le travail s’impose à tous, aux colonies comme en France (2)


(Suite.)
Que l’administration soit en tout état de cause formellement hostile à une obligation quelconque dès lors qu’il s’agit du travail de l’indigène, nous pensons que nul n’en saurait douter un moment ; si vous faites valoir les intérêts compromis, la colonie courant à la ruine, soyez persuadés qu’elle en exprimera tous ses regrets en se gardant bien d’agir le moins du monde comme il le faudrait pour y remédier. Elle rééditera et appliquera le mot tristement fameux : « Périsse la colonie plutôt que notre principe. » Et « notre principe », sachez-le, c’est la liberté absolue de l’indigène ; notre politique, c’est de démontrer à celui-ci combien est grand son bonheur d’être administré par nous. Or, comme le bonheur est chose absolument subjective, nous donnons à nos administrés la forme de bonheur qu’ils préféreront toujours à tout autre, à savoir le droit à la paresse.
Quant aux questions de mise en valeur, de productivité, d’expansion économique, ce sont choses qui ne sont que fort lointainement de notre ressort : veiller à ce que nos indigènes ne manquent pas des quelques produits nécessaires à leur subsistance et à leur vie modeste, nos vues ne vont pas au-delà.
Telle est, aucun colon n’y contredira, la manière de voir administrative. Sans doute, des circulaires à belles formules, des arrêtés même viennent çà et là masquer la réalité et faire croire que l’administration a le plus grand souci de fournir à la colonisation la main-d’œuvre dont celle-ci a besoin. Toutefois, à part quelques exceptions, de nous inconnues, mais qui sans doute existent, au moins pour confirmer la règle, il est certain que, du haut au bas de l’échelle, court un mot d’ordre consistant à ne gêner, déranger ou désobliger aucun indigène pour procurer de la main-d’œuvre à une exploitation européenne. Les exemples en abondent.
Par exemple, l’indigène qui n’a pas payé les impôts dans les délais prescrits ne devrait-il pas être mis ipso facto et réglementairement mis à la disposition d’un employeur payant ? Or, il n’en est rien, et la masse de ces contribuables de mauvaise volonté continue le petit jeu des atermoiements, des retraites momentanées, pour aboutir finalement à quelques inutiles journées de « boîte ».
 (À suivre.)
Paul Desloy.
Le Courrier colonial


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