13 septembre 2014

Il y a 100 ans : M. Picquié aime l’aviation (2)

(Suite.)
Quant à l’utilité de doter Madagascar d’un ou plusieurs biplans, j’avoue qu’elle m’échappe entièrement. Au point de vue militaire, la question de se pose même pas. S’en servira-t-on pour le transport de la poste ? Il est démontré depuis longtemps que ce projet demeurera de longtemps irréalisable, à cause, tant de la configuration même du sol, que des difficultés insurmontables qui se présentent pour le ravitaillement et l’atterrissage. Je ne vois donc, des futurs avions malgaches, qu’un emploi possible : faciliter les déplacements de M. le Gouverneur général Picquié, qui pourrait, par la voie des airs, faire de rapides tournées dans la colonie, sans avoir à souffrir des lenteurs et des mille incommodités que comportent les voyages par terre et par eau. Mais les biplans ne sont pas encore construits et, d’ici là, le roi, l’âne ou M. Picquié…
Si donc la souscription a lieu, ce sera une somme relativement considérable, une centaine de mille francs peut-être, dont le bas de laine malgache, déjà si peu lourd, se verra allégé, et cela sans profit pour la colonie.
Tout le monde, cependant, ne perdra pas à cette manifestation intempestive de loyalisme et de générosité. Il y a d’abord M. Rabemananjara qui trouve ici une occasion de plus de mettre en avant son envahissante personne. Ce brave commerçant est, depuis trois ou quatre ans, le truchement quasi officiel du gouvernement général. Il est de toutes les fêtes et se laisse mettre à toutes les sauces. C’est le grand organisateur. En réalité, c’est un pantin dont la haute administration tire les ficelles. On cherche, en mettant à chaque instant sa personnalité falote, à faire croire que le peuple malgache tout entier parle par sa bouche, lorsqu’il vante les bienfaits de M. Picquié, lui prodigue les louanges les plus ampoulées, et proclame l’actuel Gouverneur général le père et la mère des Malgaches, comme d’ailleurs l’ont été et le seront tous les gouverneurs généraux de Madagascar. La réalité est beaucoup plus modeste, et personne n’est dupe. On sait là-bas ce qu’il faut penser de ces manifestations « spontanées » (!) d’enthousiasme et de gratitude : c’est de la pauvre comédie, bien usée à l’heure qu’il est.
 (À suivre.)
Henri Cosnier,
Député de l’Indre.

Les Annales coloniales


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