23 janvier 2008

Dominique Ranaivoson occupe le terrain


Le samedi 12 janvier dernier, je questionnais Dominique Ranaivoson à propos des dernières publications en rapport avec Madagascar dont elle est responsable.
Les forums littéraires du CCAC, dans le cadre desquels se déroulait cette rencontre, se déroulent depuis des années selon une structure immuable: avant la série de questions-réponses entre l'invité (ou les invités parfois) et l'animateur (ou animatrice), puis le public, la première intervention est une présentation de l'invité. C'est le texte que j'ai rédigé pour la circonstance que je vous propose ici.

***

Dominique Ranaivoson, bonjour. Rebonjour, presque.
En effet, en 2004, vous étiez ici, dans cette même salle – Liliane Ramarosoa officiait à ma place –, pour présenter Iza Moa ?, un dictionnaire des personnalités historiques de Madagascar que vous avez repris depuis dans une nouvelle édition, et dont vous annoncez prochainement une version revue, corrigée et complétée pour l’an prochain.
En 2006, nous étions cinq sur cette scène puisque, outre vous et moi, trois des douze auteurs des Chroniques de Madagascar que vous aviez rassemblés en un volume avaient été invités à prendre la parole.
J’avais proposé à l’époque, sur le ton de la plaisanterie, que vous vous abonniez aux forums littéraires du CCAC. Je ne savais pas que vous me prendriez au sérieux. Pourtant, j’aurais dû m’en douter : votre rythme de travail et celui de vos publications sont si soutenus qu’il est assez logique de vous retrouver en 2008 pour présenter à nouveau quelques livres.
Et puisque le temps nous est compté, je vais faire l’économie de tout ce dont vous avez déjà parlé lors des occasions précédentes pour survoler quelques-unes de vos activités pendant les deux années qui viennent de s’écouler.
Vous êtes l’éditeur (éditrice ?) – au sens intellectuel du mot – du premier recueil de nouvelles de David Jaomanoro, dont vous avez aussi écrit la postface. Pirogue sur le vide, paru aux Editions de l’Aube, est un livre qu’on attendait depuis longtemps et je pense que le sérieux coup de pouce que vous lui avez donné a été une chance pour tout le monde : pour l’auteur, bien sûr, dont les textes tardaient à trouver leur véritable place dans le paysage littéraire, par manque de visibilité ; pour l’éditeur, évidemment, à qui vous avez apporté un manuscrit de qualité et dont vous avez ainsi enrichi le catalogue – comme en outre Marion Hennebert, fondatrice de la maison, est une amie de longue date, c’est presque à titre personnel que je vous en remercie ; enfin, c’est aussi et surtout une chance pour nous puisque nous avons pu lire ces nouvelles et même en parler avec David Jaomanoro, puisqu’il a été invité à nous les commenter lui-même – sur le siège où vous êtes assise aujourd’hui.
Dans la collection Océan indien que vous dirigez chez Sépia et qui est coéditée, pour Madagascar, par Tsipika, vous avez fait paraître, en 2006 et 2007, deux ouvrages bilingues, en français et en malgache. Leur importance n’a échappé à personne : il s’agit de deux recueils de poèmes de Jean-Joseph Rabearivelo, Presque-Songes et Traduit de la nuit, que Claire Riffard, qui a beaucoup travaillé sur les manuscrits, s’est chargée de présenter dans cette édition. Elle nous les a présentés également plus directement, à travers une exposition qu’on a pu voir ici à la fin de l’année dernière, complétée par une conférence très éclairante.
En 2007, vous avez aussi dirigé un numéro de la revue Etudes littéraires africaines, éditée par l’Association pour l’Etude des Littératures Africaines, plus familièrement nommée APELA. Personne ne s’étonnera – ou alors personne n’a écouté depuis le début – du sujet de ce numéro : Madagascar, bien entendu.
On y trouve des articles et des entretiens. Avec Juliette Ratsimandrava sur la langue malgache et les politiques linguistiques, par exemple. On y parle de bande dessinée, de théâtre, de poésie, d’édition, ainsi que du bilinguisme chez Jean-Joseph Rabearivelo et Esther Nirina.
Bref, un large survol, une sorte d’état des lieux qui, je le crois, a rendu et rendra de précieux services.
On n’en a pas fini – vous n’en avez pas fini avec Madagascar. Mais la Grande Ile semble être, malgré ses dimensions, malgré ses richesses culturelles, un terrain de jeu trop étroit pour vous – j’ai dit terrain de jeu ? pardon, je voulais dire : terrain d’études, de recherches, de publications.
Vous venez en effet de sortir, chez Sépia, sur le modèle des Chroniques de Madagascar, un autre volume, intitulé Chroniques du Katanga. Vous voici donc aussi en République démocratique du Congo, dans cette province du sud qu’on appelait autrefois le Shaba et dont la capitale, Lubumbashi, est la troisième ville du pays. Quatorze auteurs disent leur vision de la réalité de cette région à travers des textes courts. Je cite l’argumentaire trouvé sur le site de l’éditeur (je vous soupçonne de l’avoir écrit) : « Le lecteur qui aura traversé les rues de Lubumbashi, les mines de cuivre à ciel ouvert, les boîtes sordides, les immeubles délabrés, les camps de déplacés ou des combats de rues ne pourra oublier ni le policier, ni l’enfant-soldat, ni l’enfant des rues, ni les jeunes filles, ni les fonctionnaires, tous l’accompagneront désormais en un étrange et fascinant cortège. Les mots de ces écrivains vont bien au-delà du reportage par la puissance d’une écriture terriblement efficace. »
Je ferme la parenthèse congolaise, bien qu’elle ne soit pas sans intérêt, pour revenir à Madagascar et aux deux livres qui justifient le forum d’aujourd’hui.
C’est d’abord Zovy, un roman de René Radaody-Ralarosy publié par vous, et que vous préfacez, chez Sépia et Tsipika. Le sous-titre fixe l’époque à laquelle il se passe : 1947. Au cœur de l’insurrection malgache. Nous allons en parler longuement, je ne vais donc pas en dire trop maintenant. Quelques mots, seulement, vos mots tels qu’ils étaient rapportés sur le site Internet de Sobika :
« Il s’agit d’un roman, c’est-à-dire que l’auteur invente des personnages qui évoluent dans une histoire pleine de suspens, de rencontres, d’attentes et de rebondissements. Le lecteur suit les héros insurgés dans les forêts tout en apprenant peu à peu quelle situation politique et sociale les a conduits à cet engagement. Ces personnages romanesques sont construits à partir de modèles directement inspirés de la société malgache de 1947 et agissent en véritables acteurs dans les événements réels et tragiques de cette période. Toute la richesse de ce roman est dans ce croisement entre fiction et histoire qui lui donne à la fois l’attrait d’une aventure et l’intérêt d’une étude historique. »
Nous allons en savoir plus dans quelques instants.
Mais pas avant que j’en termine avec cette brève présentation puisqu’il y a un deuxième livre, 100 mots pour comprendre Madagascar, dont vous êtes l’auteur chez Maisonneuve & Larose et, toujours, Tsipika. Cent entrées, rangées dans l’ordre alphabétique, pour approcher la culture malgache, tant du point de vue de l’histoire que de celui du quotidien le plus contemporain, le plus banal. « Notre souhait, dites-vous dans l’introduction, serait que ces 100 mots se présentent comme ces portiers qui accueillent les invités sur le perron et font entrer les invités jusque dans la maison. »
100 mots… Pourquoi pas 99 ou 101, ou 1000 mots ? Vous allez vous en expliquer.
Mais encore un… mot (plusieurs). Pour dire, en guise de conclusion ouverte sur l’avenir, que vous ne comptez pas en rester là. Et que nous devrions peut-être fixer dès maintenant un rendez-vous dans deux ans.
Vous avez, dans vos projets de publication, si j’en crois la bibliographie que je trouve dans 100 mots, un livre consacré à La littérature francophone de Madagascar. Et vous dirigez la préparation d’un ouvrage collectif sur le grand poète Dox.

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