18 juin 2017

Il y a 100 ans : L’avenir de Madagascar (6)

(Suite.)
L’industriel qui veut s’en servir se heurte à une sorte de socialisme d’État qui le jette pieds et poings liés entre les mains de M. Lebureau et celui-ci le tient en lisière sous sa direction et son contrôle absolu. Or, l’ignorance, l’outrecuidance et le mauvais vouloir de M. Lebureau, en général, ont acquis à ce dernier une réputation universelle. Et, suprême ironie, l’industriel, l’homme de science et d’expérience, ne peut se mouvoir que sous sa coupe, obligé, pour ainsi dire, de se faire son homme-lige.
Que la Colonie se réserve la propriété absolue de toutes les eaux de Madagascar, sans que leur aliénation puisse jamais être permise, passe encore.
Qu’en accordant une autorisation de prise d’eau, elle fasse toutes réserves utiles quant aux droits des tiers et aux dommages que la retenue des eaux pourrait causer aux propriétés riveraines, rien de plus juste.
Mais qu’un agent ignare qui, de sa vie, n’a vu une prise d’eau, encore moins une usine quelconque, vienne imposer sa manière de voir à un homme d’expérience connaissant bien son métier, il n’y a que dans notre pays où l’on puisse admirer une chose aussi… paradoxale (soyons modérés).
De par la législation en la matière, l’industriel est obligé, dans un délai fixé, de soumettre ses plans et devis à l’approbation de M. Lebureau. Mais si l’industriel doit soumettre ses plans dans un délai fixe, aucun délai n’est imposé à M. Lebureau pour les examiner, de sorte que si l’industriel n’est pas persona grata et n’a pas montré… patte blanche, ou graissé les rouages, il attendra longtemps, – des mois, des années, – des nouvelles de ses plans. Quand, lassé d’attendre, il ira, respectueusement, en référer à M. Lebureau dans son cabinet, il entendra celui-ci lui répondre d’une voix mielleuse :
« Désolé, mon cher Monsieur ; mais j’ai 73 affaires à étudier avant la vôtre. Patience ! votre tour viendra. »
Malheureusement pour M. Lebureau, l’industriel qui attendait depuis deux heures dans la salle d’attente l’avait entendu faire une réponse identique aux réclamants qui l’avaient précédé. Il avait pour chacun 73 affaires à étudier avant la sienne (authentique).
(À suivre.)

Le Tamatave

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