En fouinant dans la masse
des romans de la rentrée, il faut bien qu’on tombe sur quelques mentions de
Madagascar, même si aucun livre, apparemment, n’est centré sur la Grande Île.
Apparemment, car nous n’avons survolé qu’un quart des ouvrages annoncés, et
quelque chose a pu nous échapper.
Mais pas Peste & Choléra (Seuil), où Patrick
Deville raconte la vie d’Alexandre Yersin, découvreur du bacille de la peste en
1894 à Hong Kong, alors qu’il était attaché à l’Institut Pasteur et qui,
ensuite, passe un peu de temps à Madagascar. On lui a demandé de « partir aussitôt que possible pour
Diego-Suarez étudier le microbe des fièvres bilieuses ». Il y a
quelques jours, Patrick Deville évoquait pour nous, par téléphone, ce bref épisode
(un peu plus d’une page) qu’il juge révélateur du bonhomme : « En fait, c’est un moment assez
intéressant dans sa vie. Yersin, c’est l’exemple même du type qui très vite en
a marre. Après Hong Kong, on a l’impression qu’il fait ça pour faire plaisir
aux pasteuriens et qu’ils arrêtent de l’emmerder. Alors que c’est
immense : il est le premier homme à faire l’étiologie de la peste, qui
n’est pas rien. Et, donc, à ce moment-là, il ne rentre même pas en Europe, il
envoie des bacilles dans des fioles et il écrit même à Roux et à Calmette,
c’est dans le livre : je pense que vous arriverez bien à vous démerder
avec ça. Il n’a pas du tout envie de continuer et on l’envoie en mission à
Madagascar où il va en traînant les pieds. Il prétend que ça n’a pas d’intérêt,
qu’il n’y a rien, que ce n’est certainement pas de la fièvre bilieuse, etc. En
fait, il détourne complètement sa mission scientifique et bactériologique et il
s’intéresse beaucoup plus, à Madagascar, à l’agriculture et à l’arboriculture. Il
prépare sa prochaine carrière… »
Madagascar, c’est une
flore exceptionnelle. La vanille chez Franck Andriat (Bart chez les Flamands, Grand miroir) : « mirabelles flambées au rhum et vanille de Madagascar ».
La vanille aussi, malgré le titre, chez Olivier Bouillère (Le poivre, P.O.L.), où se développent des projets de vanille
soluble : « Elle est heureuse
pour Grégory s’il aime son succès, s’il peut continuer à passer du temps à Madagascar
qu’il a toujours adoré et ça semble être le cas, avec une femme qui soit pour lui. »
Un autre produit de
l’agriculture est à l’honneur pour Régis de Sa Moreira (La vie, Au diable vauvert), mais sur un marché où la narratrice
achète des haricots, des concombres, des figues et des petits fruits
succulents : « Ça s’appelle des
lychees. Je n’en ai pas remangé depuis mon séjour à Madagascar. »
Et les vertus des plantes
médicinales ont leur réputation dans La
véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment, de Francis Dannemark
(Laffont), où Muriel, endocrinologue, n’est pas de bonne humeur : « Je ne sais pas ce qui m’a énervée le
plus aujourd’hui, dit-elle, les patients qui ne viennent pas sans prévenir,
ceux qui viennent mais pour me demander si on peut se procurer ici un mélange
de plantes malgaches et magiques qui fait perdre dix kilos en une semaine ».
Quelques personnages de
Malgaches passent par là. Pendant la Seconde guerre mondiale : les
bataillons de soldats français venus d’Afrique, en première ligne, sont
décimés. Morts, blessés et prisonniers : « Les nègres, les Malgaches et les Indochinois y sont les plus
nombreux. » (Tierno Monénembo, Le
terroriste noir, Seuil.)
Ou à travers la
gentillesse d’une femme qui « laissait
passer les bouteilles » dans Escalier
F, de Jeanne Cordelier (Phébus) : « Derrière
la vitre une négresse, comme dit Andrée, tout habillée de blanc, nous a ouvert.
On se connaissait toutes les deux, elle était de Madagascar ».
Il est question de
relation conjugale chez Lorenzo Cecchi (Nature
morte aux papillons, Castor astral). Il attribue à Dresler, personnage
secondaire, une « “vie sentimentale
difficile” qu’il mène avec sa jeune Malgache, récemment épousée via une agence
matrimoniale spécialisée en compagnes fidèles, aimantes et dans la misère noire ;
qui, naturellement, est folle de lui… »
Et d’enseignants chez Maryse
Condé, dans La vie sans fards
(Lattès), où son parcours personnel d’enseignante expatriée la fait participer
à une réunion de professeurs organisée au collège de Bellevue, en Guinée :
« C’était tous des “expatriés”. On comptait
un fort contingent de Français communistes, des réfugiés politiques de
l’Afrique subsaharienne ou du Maghreb et deux Malgaches. » Maryse
Condé évoque aussi, brièvement un épisode de l’Histoire du Maroc, « l’exil du sultan en Corse, puis à
Madagascar ».
Dans Avancer (Gallimard), Marie Pourchet fait bouger la géographie sur
une carte de « l’empire colonial » revue et corrigée par un
personnage appelé le Petit : « La
Corse dépend toujours, il ne faut pas exagérer, mais de beaucoup plus loin, en
devenant Madagascar. Certes le trait est imprécis, les distances bizarrement
transposées, il y a moins d’angles, et la France en Afrique a des proportions
napoléoniennes. »
On trouve un peu de politique encore chez Charly
Delwart (City Park, Seuil) qui
raconte, sous un autre nom (le Kamcha du Nord), la Corée du Nord depuis que le
petit pays au régime autoritaire s’est détaché de son voisin du Sud. A la
capitale duquel, Séoul, les Jeux olympiques ont été attribués en 1988,
provoquant évidemment le boycott du Nord et de quelques alliés : « boycotter les jeux Olympiques de
Sagisan […] n’a eu aucun effet même si par solidarité, Cuba, l’Éthiopie et le
Nicaragua n’ont pas fait le voyage. D’autres délégations non plus, Madagascar,
l’Albanie, les Seychelles, mais pour des raisons qui restent obscures ».
(Article paru aujourd'hui dans Les Nouvelles.)
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