Un nouveau titre de la Bibliothèque malgache pour saluer l'année... 1913!
Lire la presse d'il y a un siècle comme si elle était d'aujourd'hui. Plonger dans un passé moins lointain qu'il y semble et retrouver des informations encore valables aujourd'hui, les mêmes clichés, hélas! toujours en circulation. Qu'ils soient publiés à Madagascar ou en Métropole, les journaux de 1913 entonnent tous la même chanson: la colonisation est un moment de civilisation qui comptera dans l'Histoire de la France et de la Grande Île. Il a compté, en effet, ce moment, difficile de le nier. C'est pour retrouver le discours colonial à l'état brut, tel qu'il circulait comme une évidence, que cette nouvelle collection propose une large collecte d'informations. Ces archives ne disent pas toute la vérité. Mais elles disent la vérité qui avait cours à l'époque. Et cette vérité-là, distillée au jour le jour, a beaucoup à nous apprendre.
L'ouvrage est disponible en version papier (123 pages, 10 € + frais de port) ou en version epub (4,99 €).
Ambitions et limites d'une compilation
La passion des vieux papiers est de celles qui ne vous lâchent plus une fois qu’on y a cédé. Après avoir raconté pendant un an, à raison d’un article par mois dans No comment, les petits et grands événements de Madagascar en 1912, nous avons voulu poursuivre le voyage dans le temps, débarrassé des contraintes de mise en page dans lesquelles s’inscrivait la série Madagascar il y a 100 ans.
Janvier 1912 tenait en deux pages de magazine, comme d’ailleurs les onze chroniques qui ont suivi. Janvier 1913 s’étale sur plus de cent pages d’un livre à la typographie serrée. Les sources sont les mêmes : la presse de l’époque, ou plus exactement la partie de cette presse accessible dans les bibliothèques virtuelles et essentiellement Gallica, site de la Bibliothèque nationale de France.
Forcément : en 1913, comme l’année précédente et pour un bon bout de temps encore, Madagascar est une colonie française. Les journaux et revues de la Métropole s’intéressent donc de près à la Grande Île, en particulier ceux qui se sont spécialisés dans l’actualité coloniale. Des journaux sont aussi réalisés à Madagascar. Ils reflètent surtout le point de vue des colons sans pour autant épouser toujours le point de vue de l’administration coloniale. Celle-ci est même critiquée vertement, voire moquée en la personne du gouverneur général, Albert Picquié – on le retrouvera fréquemment nommé, dans les pages qui suivent, « Micromégas ».
La voix des Malgaches est la grande absente de cette compilation. À peine si, de temps à autre, on en perçoit l’écho. Encore est-ce souvent pour l’étouffer sous des commentaires peu amènes. L’affaire Lousier, qui s’est produite en décembre 1912 à Vatomandry mais que la presse rapporte en janvier, est de ce point de vue exemplaire. Un colon, accusé du meurtre de l’amant (malgache) de sa ramatoa, est jeté en prison avant d’être blanchi (!) quand le présumé cadavre reparaît, bien en vie. Comment a-t-on pu choisir d’entendre une accusation malgache plutôt que des protestations d’innocence françaises ? se demande un commentateur de l’affaire.
Tout, ou presque, est de la même eau. Le vazaha a pris le pouvoir et entend bien le garder. Les articles et articulets les plus vifs contre l’administration Picquié ont pour principal but de renforcer un pouvoir français que le gouverneur général, aux yeux de ceux qui l’attaquent, représente avec une maladresse qui finira bien par nuire aux colons. En s’en prenant à Picquié, les colons ne font que défendre leur position sur un territoire dont ils se sentent les légitimes propriétaires.
Ce sont les limites du chantier ouvert aujourd’hui avec ce volume d’articles parus en janvier 1913.
Elles n’interdisent pas une ambition qui prolonge et approfondit le travail mené depuis plusieurs années par la Bibliothèque malgache : remettre à la disposition des lecteurs, qu’ils soient spécialistes ou curieux, malgaches ou français (ou de n’importe quelle autre origine), des textes éparpillés en divers endroits et auxquels leur rassemblement offre un accès plus aisé.
Ce sera plus que jamais le cas dans cette collection, « Madagascar il y a cent ans », où sont compilées des publications jamais regroupées sous cette forme. Pour janvier 1913, nous reprenons intégralement des articles parus dans (par ordre d’entrée en scène) :
- Les Annales coloniales
- Les Missions catholiques
- Le Journal Officiel de la République française
- Le Tamatave
- Le Journal des débats politiques et littéraires
- Le Progrès de Madagascar
- La Quinzaine coloniale
- Le Temps
- Le Bulletin de l’Académie malgache
- Le Gaulois
La liste n’est pas limitative et d’autres sources seront utilisées, selon leur disponibilité et leur intérêt, dans les mois qui viennent. Ajoutons que les journaux de l’époque n’éprouvaient aucun scrupule à reprendre, chez des confrères et néanmoins concurrents, des textes qu’ils croyaient devoir intéresser leurs lecteurs. Tant mieux pour nous : le terrain défriché s’en trouve élargi.
Nous n’avons cependant pas cru utile de reprendre tous les articles parus dans le courant du mois. Il nous suffit de penser que l’essentiel est ici et qu’il représente un pourcentage élevé du résultat de nos recherches.
Une remarque, pour finir : les variations d’orthographe ont été généralement respectées, sauf quand elles offensaient l’œil avec violence.
Pierre Maury.
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