M. le gouverneur général Picquié a visité longuement,
le 6 novembre dernier, la station d’essais de Nanisana.
Nanisana est un petit village situé au nord et à quelques
kilomètres de Tananarive. Le jardin d’essais qui y a été installé en 1897 par
la colonie était au début destiné à renseigner les colons et les indigènes sur
toutes les questions intéressant l’agriculture. La station, qui devait
centraliser tous les renseignements et documents agricoles recueillis sur tous
les points de la colonie, comprenait alors une section d’essais des cultures et
une pépinière. Les essais effectués dans les cultures ne répondirent pas tout
d’abord aux espérances. Les terrains de la station n’étaient pas d’assez bonne
qualité et d’autre part leur mise en culture était trop onéreuse pour qu’il fût
possible d’en tirer des données pratiques et profitables aux agriculteurs. La
station fournissait aussi des plants d’ornement et des fleurs dont la culture
fut abandonnée ensuite après l’installation à Tananarive de fleuristes
indigènes. Toutes les variétés de légumes qui pouvaient réussir dans le pays
furent également cultivées à la station qui forma pendant un certain temps des
jardiniers indigènes.
La pépinière rendit de grands services. Dès l’année 1898, la
station était en effet en mesure de fournir un grand nombre de jeunes arbres
qui furent plantés sur les places publiques et promenades de Tananarive, ainsi
que sur les routes de la province.
Le programme du Jardin d’essai s’agrandit du fait de la création
d’une section séricicole et d’une école d’agriculture. La nécessité de
substituer aux races de vers complètement dégénérées qui existaient dans le
pays des espèces sélectionnées attira l’attention de l’administration. Des
dispositions furent prises pour établir le grainage par cellules, mais le petit
nombre des magnaneries et des plantations de mûrier ne permit ni de faire de
grandes éducations, ni de suffire aux demandes de cellules de plus en plus
nombreuses. D’autre part les procédés de grainage, satisfaisants pour quelques
centaines de pontes, ne répondaient plus aux besoins grandissants et demandaient
à être transformés pour satisfaire tous les sériciculteurs.
Une filature destinée à dresser des élèves fonctionna
quelques années, mais la faible qualité des cocons qu’elle avait à traiter ne
fut pas suffisante pour l’alimenter ; en outre la station devait,
d’ailleurs, comme à l’heure actuelle, consacrer au grainage la plus grande
partie des cocons récoltés.
Les élèves de l’école agricole et séricicole passaient deux
années à la station. La durée des études, beaucoup trop longue pour apprendre
aux jeunes indigènes l’élevage du ver à soie, était par trop restreinte pour
permettre de former de bons agriculteurs. À leur sortie les élèves s’adonnaient
à tout autre chose qu’à l’agriculture et à la sériciculture.
Depuis l’arrivée de M. le gouverneur général Picquié,
la station de Nanisana a subi de grandes transformations qui l’ont mise en
mesure de répondre d’une façon plus appropriée aux besoins actuels de la
colonisation. Les essais de grande culture ont été transportés sur des champs
d’expérience dans divers points de la colonie. Les pépinières ont été agrandies
dans de très grandes proportions et si la partie ornementale a été supprimée,
parce qu’elle était représentée dans le commerce, les espèces fruitières les
plus diverses de France, des colonies françaises, du Japon et du Cap ont été
multipliées par le greffage.
Le greffage a permis à la station de livrer chaque année des
quantités considérables de plants. Les cours de greffage institués à Nanisana
ont permis de mettre à la disposition des colons des indigènes capables et experts.
Sur les instructions de M. le gouverneur général Picquié, les variétés
d’arbres nécessaires au reboisement ont été multipliées. Chaque année elles
sont répandues par milliers, si bien que les pépinières de la colonie
fournissent à l’heure actuelle aux administrations provinciales les jeunes
plants nécessaires au reboisement. C’est aussi dans ce but que de nombreuses
espèces de conifères ont été récemment introduites, ainsi que des variétés de
platane, de cèdre, de micocoulier, de séquoia, de rhus.
Au point de vue séricicole les muraies ont été agrandies et
permettent déjà la livraison aux Européens et aux indigènes de plus de 200 000 plants
par an. Ces distributions gratuites, qui constituent une prime d’encouragement
au développement de la sériciculture, sont très appréciées des indigènes.
L’importance des demandes, chaque année plus nombreuses, en fournit la preuve
manifeste. Les systèmes d’éducation et de grainage cellulaire ont été modifiés.
Dans les mêmes locaux où l’on ne pouvait produire que 30 000 à
40 000 cellules, on en récolte actuellement 500 000.
La station séricicole de Nanisana est devenue un
établissement de grainage des plus sérieux. Grâce à ses méthodes particulières
d’élevage, elle est parvenue à produire des quantités importantes de cocons
exempts de maladie. Elle présente toutefois cette particularité qu’elle doit
produire elle-même ses cocons de grainage. Il est en effet difficile sinon
impossible de trouver chez les éleveurs des cocons aptes à produire de la
graine sélectionnée et il n’est pas plus aisé de s’approvisionner à l’extérieur
de la Colonie. Aussi la question de la production de la graine pour première
éducation (celle de septembre-octobre) est-elle fort délicate.
Le système qui consisterait à faire à Nanisana une grosse
éducation pendant les mois de juillet et d’août n’est guère possible, les
mûriers se dépouillant de leurs feuilles à cette époque de l’année. Pour obvier
à cet inconvénient, on a essayé, à l’instar de ce que l’on fait en France, de
conserver par le froid les cocons et les graines. Mais ce procédé n’a pas
donné, avec les races spéciales de vers malgaches, les résultats que l’on
pouvait espérer. On a songé alors à faire des éducations dans les régions plus
chaudes que les Hauts-Plateaux et où les mûriers conservaient leurs feuilles.
Les tentatives qui ont été faites à ce sujet à la station de l’Ivoloina, près
de Tamatave, ont donné de bons résultats.
Les recherches se poursuivent de ce côté et M. Picquié
fait à l’heure actuelle procéder à des recherches en vue de l’installation dans
une région assez proche de Nanisana d’une magnanerie qui pourrait faire de
grosses éducations pendant les mois de juillet et d’août.
L’école agricole et séricicole d’autrefois est devenue une
école exclusivement séricicole. La durée des études, réduite à 4 mois, est
suffisante pour former de bons sériciculteurs.
Les colons de la colonie trouvent néanmoins les bons
contremaîtres de culture dont ils peuvent avoir besoin parmi les ouvriers de la
station. Ces derniers, prenant part pendant plusieurs années à tous les travaux
de culture, sont en effet mieux à même que les élèves agriculteurs d’autrefois
de rendre de grands services.
Le grenier à riz de Nanisana est une dépendance de la
station. Il permet de distribuer des riz sélectionnés et les indigènes viennent
en grand nombre y emprunter des semences. Les essais de riziculture qui y sont
poursuivis et qui portent sur des variétés diverses ont en vue la production
des riz de valeur commerciale.
La station comporte aussi un laboratoire de recherches
agricoles qui comprend une section de pathologie végétale et une section de
chimie agricole. Le laboratoire poursuit des recherches sur les maladies
signalées, sur les plantes cultivées, sur la valeur des engrais, sur la
constitution des sols et la composition des terres.
Depuis deux ans la station de Nanisana fournit aux colons et
aux indigènes, et aux prix les plus réduits, des arbres fruitiers, ainsi que
des plantes économiques des variétés les plus diverses, elle distribue
gratuitement aux sériciculteurs des plants de mûrier et toutes les cellules
dont il a besoin, enfin elle procure à l’administration tous les plants nécessaires
au reboisement.
Il reste encore à poursuivre d’autres améliorations. Parmi
les plus importantes, nous citerons l’aménagement de nouveaux terrains sur
lesquels il sera possible de suivre utilement diverses cultures et les travaux
d’adduction d’eau qui permettront de parer aux inconvénients de la sécheresse
qui, cette année, s’est fait sentir d’une manière plus fâcheuse que les années
précédentes.
Dès que ces modifications auront été apportées, la station
de Nanisana rendra de grands services, à condition que la direction en soit
confiée mois à des théoriciens qu’à des agriculteurs pratiques.
La Quinzaine coloniale
Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire