(Des Petites Affiches.)
Un accident d’auto dans lequel l’administration semblerait
avoir une large part de responsabilités et qui aurait pu avoir des conséquences
mortelles pour les personnes qui avaient pris place sur cette voiture, pour se
rendre de Tananarive à Maevatanana, s’est produit ces jours derniers à l’entrée
même du village de Maevatanana. L’auto n° 3 qui quittait Tananarive le 11
au matin avait accompli sans encombre la plus grande partie de la route,
lorsque, à quelques kilomètres de la dernière étape, Antanimbary-Maevatanana,
le chauffeur livra son volant à l’aide qui l’accompagnait. Celui-ci lança alors
la machine à une allure presque vertigineuse et, ayant aux abords d’un pont en
assez mauvais état, fait une fausse manœuvre de volant, précipita dans le
gouffre l’auto et tous ceux qu’elle contenait. Les passagers, ahuris, se
virent, en l’espace rapide d’un éclair, étendus au milieu des débris informes
de l’énorme machine roulante dont le moteur avait été heureusement arraché de
la voiture, et projeté à une certaine distance, par suite de la violence du
choc.
Par miracle, personne ne fut tué, mais, quelques-uns des
voyageurs furent assez grièvement blessés et tous sérieusement contusionnés.
M. Bonnemaison, qui rentrait avec sa femme d’une
tournée d’affaires de Tananarive, eut toutes les peines du monde à se sortir de
dessous les énormes sacs de colis postaux qui étaient tombés sur lui, et se
releva avec une fracture de la clavicule gauche, une côte brisée, l’oreille
déchirée, l’omoplate endommagée et couvert de contusions.
Aussitôt debout, il chercha ce qui était advenu des autres
voyageurs, et fut assez heureux de voir que les demoiselles Harel et les deux
bébés qu’elles conduisaient, étaient déjà hors de l’auto, ce qui laissa suppose
qu’aucune de ces quatre personnes n’avait subi de blessure grave, mais il n’en
était pas de même pour Madame Bonnemaison, qu’il trouva étendue au fond de ce
qui restait de la caisse de l’auto, et dans l’impossibilité de faire le moindre
mouvement, écrasée qu’elle était sous les sacs postaux et les débris de la voiture.
Quoique grièvement blessé, M. Bonnemaison réussit après
quelques efforts à sortir sa femme de la pénible position dans laquelle elle se
trouvait, et si elle n’a eu, par un hasard providentiel, aucun membre brisé,
elle se releva couverte de contusions et de meurtrissures très douloureuses.
Mlle M. Harel que l’on pouvait croire
parfaitement indemne, avait cependant reçu un coup assez violent dans la région
temporale droite, et était fortement contusionnée sur tout le corps.
Sa sœur, Mlle S. Harel, avait une
blessure au bras et aussi des contusions à la hanche.
Une femme indigène qui avait pris place sur l’auto à
Antanimbary, a eu la cuisse brisée et une grave blessure à la tête, et le
chauffeur novice, cause de l’accident, fut relevé vomissant le sang et dans un
état assez critique.
Les blessés indigènes furent aussitôt transportés à
l’hôpital, et les Européens se dirigèrent à l’hôtel Batis, où disons-le, à la
louange de ce praticien, le docteur Chollat-Trollet s’empressa de se rendre à
leur appel, et de leur prodiguer les premiers soins que nécessitait leur état.
Nous avons dit que l’administration encourait en cette
affaire, une responsabilité très grave, et cette responsabilité est dès
maintenant établie par suite d’une déclaration qui a été faite par le chauffeur
de l’automobile au Commissaire de Police de Maevatanana, en présence des
victimes de l’accident et d’autres personnes accourues sur le lieu du sinistre,
à une question à lui posée.
Il résulte de la réponse du chauffeur que l’accident est dû à
une fausse manœuvre de son second, lequel tenait à ce moment le volant, quoique
ne sachant pas conduire, et que ce serait à la suite d’ordres qui lui auraient
été donnés par ses chefs, dans le but de permettre à cet élève chauffeur de
faire son apprentissage, que le volant lui était quelquefois confié en cours de
route.
Le Gouvernement qui assume la responsabilité de convoyer des
voyageurs dans les voitures automobiles et qui se jouent ainsi de la vie de ces
voyageurs, n’est rien moins que cynique, et si les victimes de ce cynisme
s’adressent, comme nous croyons savoir qu’elles le feront, aux tribunaux pour
obtenir réparation des dommages soufferts il est probable que la casse à payer
pourrait bien être assez lourde.
Qu’en pense Monsieur le Gouverneur Général si cet ordre
vient de lui, ou qu’il l’a signé sans le lire ?
C’est toujours le j’menfoutisme administratif.
La vie des gens pèse si peu dans leur balance.
Le Progrès de Madagascar
Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
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