À maintes reprises, la presse a formulé des critiques soit
sur l’immeuble occupé par les Postes et télégraphes, soit sur le service
lui-même.
Durant son court passage à Tamatave, le chef de la colonie,
justement préoccupé de ces critiques, et mettant en pratique l’axiome qui veut
que pour être bien servi il faut se
servir soi-même, s’est rendu en personne à l’Hôtel des Postes et
télégraphes, sans que personne fût avisé de ses intentions, et y a procédé
lui-même à son enquête.
C’est vraiment la seule manière, pour un chef de Colonie, de
savoir réellement la vérité, et plût au ciel que cette manière put être
toujours utilisée. Elle éviterait bien des erreurs, et réparerait bien des injustices.
Hôtel des Postes
et télégraphes ! N’est-ce pas, cher lecteur, que ce mot pompeux : Hôtel, suggère à votre esprit l’idée de
quelque chose d’esthétique, de gracieux, de confortable ? De quelle ironie
n’est-il pas ici ?… Un Hôtel ? cette construction grossière, lourde,
inesthétique, incommode, dans laquelle les travaux Publics et les constructeurs
ont fait assaut d’incapacité de malfaçon et surtout de je m’enf… ichisme !
songez donc ! C’est la colonie qui payait ; on n’avait pas à se
gêner !
Puis ils étaient au-dessus des lois et des règlements, au
point qu’ils ne se sont pas seulement donné la peine de mettre leur
construction en alignement sur la rue. Ah ! si un particulier avait commis
pareille erreur ! Comme on se fut empressé de lui faire démolir son
immeuble !
Mais ce sont surtout les locaux réservés aux colis postaux
qui méritent d’être particulièrement signalés.
Un premier local a été construit sur la rue Blévec, il y a
déjà quelques années, d’après un plan qu’on nous dit être venu directement du
ministère. Il mesure 10 mètres sur huit et affecte la forme d’un tombeau
romain, moins le style et les ornements.
Une porte étroite, dans un coin donnant sur la rue, permet
au public l’accès d’un vestibule muni d’un guichet, dans lequel trois personnes
peuvent presque contenir à l’aise.
Si les clients sont nombreux, ils ont toute la rue pour
attendre leur tour.
Une autre porte ouvrant du côté de la Poste, permet l’entrée
des colis et des employés. C’est tout comme ouverture !
Pas une
fenêtre !! Par suite pas de
lumière ! pas d’air respirable ! C’était bien un tombeau.
Pour vérifier les colis et passer leurs écritures, les
employés n’avaient d’autre lumière que celle, assez diffuse, qui arrivait par
les portes.
Il faut venir à Tamatave pour voir pareille chose. C’est
vraiment le pays des aberrations.
Toutefois, à force de plaintes et de réclamations, les
malheureux employés finirent par obtenir l’ouverture d’une fenêtre dans l’autre
coin donnant sur la rue.
Encouragés par ce succès ils continuèrent leurs réclamations,
et aujourd’hui ce local est pourvu de trois fenêtres, qui ne sont pas de trop
pour éclairer une salle de 80 mètres carrés.
Mais à peine construit, ce local fut reconnu tout à fait
insuffisant.
Il ne faut pas oublier que le bureau de Poste de Tamatave
centralise tout le mouvement de colis et de valeurs, provenant ou à destination
de toute la côte Est, y compris le
plateau central, c’est-à-dire, de Fort-Dauphin, Fianarantsoa, Tananarive, à
Maroantsetra, le mouvement des valeurs atteint une moyenne de
500 000 fr. par mois, à lui seul.
Alors on construisit, ou on utilisa, un autre local, situé
dans la cour, presque double du précédent, mais simplement couvert et bordé en
tôles de fer galvanisé. Il est pourvu également de deux portes assez étroites
et de deux ou trois lucarnes tout à fait insuffisantes.
C’est dans ce local qu’à l’arrivée du courrier sont
entassés, pour le tri, les centaines de sacs renfermant les colis.
On devine ce qui arrive.
Le soleil des tropiques, surchauffant les têtes, donne une idée,
dans ce local, de ce qu’étaient les plombs de Venise. Étant donné l’état hygrométrique
de l’air, ce local est transformé en véritable étuve dont la température varie
entre 35 à 40 degrés.
(À suivre)
Le Tamatave
Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
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