Un Administrateur part en tournée, il emmène avec lui un de
ses commis, un interprète et environ une quarantaine de bourjanes.
A-t-il le droit de quitter sa résidence à trois heures et
demie du soir pour s’en aller à douze kilomètres, dîner et coucher ?
Non évidemment, hors le cas de force majeure qui n’existe
pas ici, puisque, le lendemain, le même personnage s’en allait coucher à la
même distance soit 12 kil. Là où il avait, peut-être, à faire. Encore que je ne l’affirmerai pas.
Je prétends moi, contribuable, que dans la même journée Sa
Grandeur Administrative pouvait faire l’étape et ses affaires.
Mais, me direz-vous, de quoi vous mêlez-vous donc et
qu’est-ce que cela peut bien vous faire ?
Mais, bonne âme, ne voyez-vous pas avec quelle désinvolture
on gaspille votre argent ? Les indemnités de déplacement sont dues à
compter du jour de départ. C’est donc 16 francs que notre chef de province
touche bénévolement. Ajoutez à ces 16 francs l’indemnité de son commis. 16
+ 10 = 26 + 40 journées de bourjanes à 1 fr. 20, vous arrivez à
26 + 48 = 74 francs de dépenses qui auraient pu être évitées. Si au lieu
de partir le 13, à 3 h 1/2, Sa Grandeur fut partie le 14 à
6 heures du matin, le résultat de sa promenade eut été le même,
exactement.
L’arrêté du 2 juillet 1897, je crois, prévoit que
la distance parcourue doit être de 40 kil. Or, de Maevatanana à
Antanandava, il n’y a pas 25 kil. Sans nécessité, il ne fallait donc pas
deux jours pour accomplir ce trajet.
Lorsqu’on reproche aux autres de commettre des abus, des
actes scandaleux, il faudrait soi-même ne pas donner prise à la critique.
Que les habitants réclament, par exemple le remplacement des
lampes à pétrole qui étaient aux carrefours du village et qu’on retira pour un
usage plus particulier, on répondra : pas d’argent. On en trouve bien à
gaspiller pour promenades sanitaires administratives.
Si le contrôle faisait rembourser l’argent ainsi dépensé,
tout le monde applaudirait, ce serait d’un exemple salutaire. Mais le
fera-t-on ?
Le Progrès de Madagascar
Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
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