Un honorable colon de
cette localité nous adresse la lettre suivante que nous nous faisons un devoir
de publier :
Vatomandry, le 12 janvier 1913.
Vous prenez dans vos colonnes la défense de la petite
colonisation et vous vous élevez contre le péril chinois : « si on
les laisse faire avant cinq ou six années, de puissantes sociétés chinoises
deviendront maîtresses du sol de la grande île et pourront faire la loi… il ne faut pas que cela soit »
dites-vous. Eh bien ! Cela sera, surtout si l’autorité place à la tête des
provinces des fonctionnaires qui rêvent, comme à Vatomandry, l’anéantissement
de la petite colonisation, favorisant par tous les moyens les gros colons et
les célestes.
Dernièrement un Chinois demande une concession ;
immédiatement, sans apposer les affiches réglementaires pour en informer le
public et provoquer les légitimes oppositions, 24 heures après la
réception de la demande, le chef de province était sur les lieux et concluait à
l’octroi de la concession. Si c’eût été un Français, il aurait été obligé
d’attendre 6 mois, si ce n’est un an et plus, et Dieu sait toutes les
objections qu’on lui aurait faites.
On rêve l’anéantissement de la petite colonisation ;
pour arriver à cette fin, non seulement on abreuve (ce qui n’est rien) de
sarcasmes et de dédains les petits colons, mais on tient strictement la main au
paiement des cartes de leurs employés, tout en laissant tranquilles ceux qui se
recommandent du nom d’un gros colon, Sakaiza
du patron. Comme conséquence, les indigènes quittent les premiers pour se
réfugier chez le dernier. On va même jusqu’à violer la neutralité dans le
recrutement de la main-d’œuvre, en faisant recruter par des fonctionnaires
indigènes du gouvernement de Savaiza,
région qui auparavant fournissait une grande partie des travailleurs employés
chez les petits colons, des indigènes qui sont conduits sur les toby de la même
personne : aussi les petits colons commencent à manquer de bras ;
leurs plantations vont bientôt péricliter, et s’ils laissaient périr ils
seraient sous peu acculés à la ruine. Heureusement qu’ils ont encore un peu de sang
dans les veines ; en ce moment ils murmurent ; bientôt ils montreront
les dents et si l’autorité supérieure n’intervient pas pour mettre un frein à
ces fantaisies administratives, une clameur de colère sans précédent s’élèvera
contre une administration si peu soucieuse de son devoir.
Un colon.
Le Tamatave
Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
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