On nous écrit :
Vatomandry, le 23 décembre 1912.
L’administration de Vatomandry est comme une vieille bonne
femme atteinte de rhumatisme : pour la faire marcher, il faut
continuellement l’asticoter. La crainte des articles de presse est pour elle le
commencement de la sagesse, elle aime se bercer dans une douce torpeur, prisant
par-dessus tout le dolce farniente.
Si on réclame, elle prend le mors aux dents, on est obligé
de lui crier : halte là ! jusqu’à ce que l’accès de goutte ou de
mauvaise humeur soit passé.
En ce moment nous sommes dans la période des moramora,
petraka, matoro, c’est le laisser-aller complet. Les chemins sont négligés, les
ponts pourris sauf ceux conduisant chez l’éminence grise, grand favori du
patron, le seul colon intéressant de la province dit-il, c’est flatteur pour
les autres. Les affaires se traitent entre une partie de billard et une partie
d’écarté. On se rend aux bureaux à des heures fantaisistes, en fait de travail,
on y taille quelques petites bavettes : les sans cartes pullulent, il y en
a partout, à commencer par les boys de messieurs les fonctionnaires et les
filanzanes de l’administration.
Lorsqu’en clôturant l’exercice, Monsieur le Directeur du
Contrôle financier constatera qu’il y a dans la province plus de
50 000 francs d’impôts irrécouvrés, de sévères remontrances seront
faites. – Alors gare ! à la crise de rhumatisme, on ne verra plus par
monts et par vaux que des patrouilles de miliciens faisant la chasse à tout
homme qui ne se recommandera pas des tenants ou aboutissants du grand favori,
et les réclamations de pleuvoir dans les bureaux du gouverneur général contre
les abus qui se commettront.
Amener l’administration locale à une juste compréhension de
ses obligations, il n’y faut pas compter, on ferait plutôt entrer le
« pater » dans la tête d’un bourricot – jamais on n’arrivera à lui
faire comprendre, ni surtout mettre en pratique que pour administrer sagement
une province, il faut, non administrer dans l’intérêt particulier d’un clan,
mais dans l’intérêt général, avoir une conduite qui en impose par son
impartialité, et faire preuve à l’égard des indigènes d’une vigilance
constante, d’une fermeté exempte de faiblesse et de vigueur excessive.
Un colon.
Le Progrès de Madagascar
Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible en version papier (123 pages, 10 € + frais de port) ou en version epub (4,99 €).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire