6 janvier 2013

Il y a 100 ans : À Vatomandry


On nous écrit :
Vatomandry, le 23 décembre 1912.
L’administration de Vatomandry est comme une vieille bonne femme atteinte de rhumatisme : pour la faire marcher, il faut continuellement l’asticoter. La crainte des articles de presse est pour elle le commencement de la sagesse, elle aime se bercer dans une douce torpeur, prisant par-dessus tout le dolce farniente.
Si on réclame, elle prend le mors aux dents, on est obligé de lui crier : halte là ! jusqu’à ce que l’accès de goutte ou de mauvaise humeur soit passé.
En ce moment nous sommes dans la période des moramora, petraka, matoro, c’est le laisser-aller complet. Les chemins sont négligés, les ponts pourris sauf ceux conduisant chez l’éminence grise, grand favori du patron, le seul colon intéressant de la province dit-il, c’est flatteur pour les autres. Les affaires se traitent entre une partie de billard et une partie d’écarté. On se rend aux bureaux à des heures fantaisistes, en fait de travail, on y taille quelques petites bavettes : les sans cartes pullulent, il y en a partout, à commencer par les boys de messieurs les fonctionnaires et les filanzanes de l’administration.
Lorsqu’en clôturant l’exercice, Monsieur le Directeur du Contrôle financier constatera qu’il y a dans la province plus de 50 000 francs d’impôts irrécouvrés, de sévères remontrances seront faites. – Alors gare ! à la crise de rhumatisme, on ne verra plus par monts et par vaux que des patrouilles de miliciens faisant la chasse à tout homme qui ne se recommandera pas des tenants ou aboutissants du grand favori, et les réclamations de pleuvoir dans les bureaux du gouverneur général contre les abus qui se commettront.
Amener l’administration locale à une juste compréhension de ses obligations, il n’y faut pas compter, on ferait plutôt entrer le « pater » dans la tête d’un bourricot – jamais on n’arrivera à lui faire comprendre, ni surtout mettre en pratique que pour administrer sagement une province, il faut, non administrer dans l’intérêt particulier d’un clan, mais dans l’intérêt général, avoir une conduite qui en impose par son impartialité, et faire preuve à l’égard des indigènes d’une vigilance constante, d’une fermeté exempte de faiblesse et de vigueur excessive.
Un colon.
Le Progrès de Madagascar

Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Janvier 1913.
L'ouvrage est disponible en version papier (123 pages, 10 € + frais de port) ou en version epub (4,99 €).

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