13 mars 2013

Il y a 100 ans : Le banquet de Brickaville


Le banquet du 6 mars a réuni environ 90 personnes dont 20 hovas, 14 baras et pas plus de 40 fonctionnaires. Les colons étaient donc peu nombreux. Nos lecteurs savent la cause de cette abstention tant à Tananarive qu’à Tamatave. M. Picquié pouvait être tranquille : aucun sceptique n’assistait à son battage.
Ci-dessous nous publions quelques notes de notre correspondant particulier.
Service et menu à la hauteur, mais chaleur épouvantable que l’absence de glace a rendu plus sensible encore.
Au champagne, discours :
Le Directeur des Travaux Publics fait l’historique du chemin de fer, met en valeur les avantages qui en sont résulté pour le commerce et ceux qui en résulteront du fait de son prolongement jusqu’à Tamatave.
Il élogie les deux gouverneurs généraux, M. Augagneur, auteur du prolongement sur Tamatave, et M. Picquié, promoteur du prolongement sur Antsirabe.
Il développe les principes de l’Étatisme qui ont guidé la Colonie dans l’exploitation du T. C. E. et il souhaite qu’elle continuera à les appliquer quand il s’agira d’exploiter le port de Tamatave. Les 6 250 000 fr. qui ont été demandés pour la construction du chemin de fer Brickaville-Tamatave ne sont pas dépensés. Il reste fr. 300 000 qui sont réservés pour la gare de Tamatave.
Le Gouverneur Général répondit immédiatement.
Il commença par couvrir de fleurs le Directeur des travaux public, les Officiers du génie qui étudièrent et construisirent le tronçon inauguré. Il s’appesantit sur les services éminents rendus par l’arme du génie à la Colonie de Madagascar et rappela le souvenir du colonel, depuis général, Roques et du colonel Ozil.
Il exposa que sa politique à Madagascar n’a été que la continuation de celle de ses éminents prédécesseurs Gallieni et Augagneur. Il fit connaître également que le général Gallieni avait laissé la Colonie avec un commerce de 50 millions, Augagneur 67 millions et que sous lui, le commerce avait dépassé 100 millions.
Il déclara que la Colonie sera bientôt dotée d’un beau port à Tamatave, pendant que le rail sera poussé jusqu’à Antsirabe, que Majunga aura aussi son port, que Tamatave aura sa voie de communication sur Ambatondrazaka ; que les routes construites maintenant ne seront plus empierrées pour y faire circuler les autos ; mais qu’elles seront exploitées par des tramways jusqu’au moment où le trafic y sera devenu suffisant pour y faire circuler une voie ferrée d’un mètre.
M. le Général Riou ayant, au nom de l’autorité militaire, remercié le Chef de la Colonie des compliments adressés aux officiers du génie en service à Madagascar, MM. Frappart et Baillet ont pris la parole ; ils sont d’accord pour constater que Madagascar est en croissance de développement économique visible pour les plus incrédules et les plus sceptiques. Monsieur Baillet en remercie tous les Gouverneurs Généraux qui se sont succédé à Madagascar. M. Frappart tient à exprimer sa reconnaissance à M. Picquié de tout ce qu’il a fait pour la Grande Île, et de ce qu’il a promis de faire pour elle (!!!).
Le Consul Britannique manifeste en termes choisis et dans le langage de Mme de Sévigné, sa joie des immenses progrès qu’il constate de jour en jour. Il élogie le Gouvernement de la République et son représentant à Madagascar.
Rasanjy lit en français un long long discours – discours vieux jeu malgache.
Un Chef Bara fait un petit kabary en malgache. Il est heureux d’être là, de constater ce qu’il a vu. Il prie le Gouverneur Général de prendre acte que lui et ses camarades ne songent plus au passé qu’ils désirent voir oublier par tout le monde et que dorénavant ils marcheront dans la voie du bien, du progrès et tutti quanti.
L’assistance écoute sans doute avec le plus grand plaisir l’ultime déclaration de M. Picquié, que la colonie « exploitera elle-même le port de Tamatave » ; qu’il est du reste ennemi de toute conception et du principe des monopoles. Dont acte.
Sur ce, ban général des invités mis en gaîté. Le départ effectué un peu en retard, n’a permis au train gouvernemental d’arriver à Tamatave qu’à sept heures.
(Du Journal de Tamatave)
Le Progrès de Madagascar

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