15 août 2019

Il y a 100 ans : À aucun prix (1)


Le Courrier colonial proposait dans son N° du 27 avril dernier d’étendre la représentation coloniale aux colonies qui n’ont pas de députés. On avait suffisamment rabâché cette question avant la guerre mais cette fois-ci elle se présente sous un nouvel aspect ; de nouveaux arguments sont invoqués en sa faveur. Sans faire aucune allusion aux personnalités de ceux qui ont signé les articles ni des directeurs de journaux, on devine tout de suite le mobile qui pousse certains à plaider chaudement la cause de la représentation coloniale : ils voudraient se caser ou se faire caser par leurs amis, et comme les postes des colonies à députés sont tous occupés, ils tiendraient à ce qu’il s’en créât de nouveaux. Aussi les voyons-nous prendre en pitié les colonies dépourvues de représentants. Par le seul fait, disent-ils, de s’être établi dans telle ou telle colonie, un Français perd ses droits de citoyen ; il ne peut plus faire de revendication auprès du gouvernement ; les habitants de tels territoires sont donc traités en parias. Puis ils mettent en avant le régime d’exception dont sont victimes ces colonies au point de vue financier. Si elles avaient des députés, elles ne verraient pas certains de leurs produits frappés de droits prohibitifs, elles ne se trouveraient pas de temps en temps soumises à des régimes incohérents tels que le fameux décret foncier qui a tant fait couler d’encre et plus récemment le dernier arrêté minier, autre chef-d’œuvre d’incohérence. Les denrées s’écouleraient mieux puisque qu’il y aurait en France quelqu’un pour les protéger : ce serait la richesse, la prospérité.
On a assez souvent objecté que l’exemple de nos malheureux voisins de la Réunion n’était guère de nature à nous enthousiasmer en faveur d’un pareil régime.
Il n’est pas besoin d’être bien clairvoyant pour s’apercevoir combien le système électoral serait funeste dans un pays neuf comme Madagascar. Nous n’aurions peut-être pas des bagarres ni des coups de revolver dans le genre de ceux de la Réunion, mais nous estimons qu’il y a assez de sujets de brouille entre les colons, entre commerçants comme entre fonctionnaires pour venir y ajouter celui-là, qui ne provoquerait pas seulement la brouille mais le chaos et la ruine.
(À suivre.)
Le Tamatave



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