En 1900, nous eûmes
« Venise à Paris » ; en 1915, les Malgaches l’ont à Tamatave,
c’est la voirie qui a bien voulu leur offrir cette surprise à la pointe Hastie
et la voirie n’a rien déboursé… ou pas grand’chose.
Voyant que les habitants
souffraient de la chaleur (ça se passe dans l’hémisphère austral),
l’administration – représentée par M. Lebureau et ses cousins – s’est dit
que rien ne serait plus agréable aux habitants que de prendre des bains, et que
tout le monde n’avait pas le temps d’aller jusqu’à la mer. Et puis, il faut
compter avec les délicats qui préfèrent les bains d’eau douce.
Précisément, la rue de
l’Amiral-Pierre commence dans un bas-fond, près de la gare des Messageries
françaises, où les eaux trouvent très peu d’écoulement en raison de
l’imperméabilité du sous-sol de la rue. M. Lebureau se dit que cela ne
pouvait durer : « Il y a trop d’eau, dit-il, pour ceux qui n’en
veulent pas, et pas assez pour ceux qui en désirent. » Et, sous prétexte
de refaire des trottoirs, il a fait apporter des dalles qui les ont surélevés,
de sorte que l’eau qui ne s’absorbait pas beaucoup avant, ne s’absorba plus du
tout après.
Mais cette bordure
supplémentaire s’arrêtait à la rue Jean-Laborde, et la nouvelle piscine n’était
pas assez vaste pour suffire aux ébats de la population de Tamatave.
M. Lebureau, qu’on ne prend jamais au dépourvu, remédia bien vite à cet
ennui, et n’ayant plus de dalles de trottoirs disponibles, fit apporter de la
terre pour continuer le rebord de la piscine publique ; de sorte
qu’aujourd’hui, les habitants ont à leur disposition une baignoire qui
« n’est pas dans une musette » parce qu’elle ne pourrait pas y tenir.
Mais il y a des gens qui
ne sont jamais contents et qui se plaignent que ce nouveau lac les empêche de
vaquer librement à leurs affaires.
M. Lebureau, qui est
un père pour les contribuables, va doter l’immense piscine de pirogues pour les
gens qui ne voudront pas se baigner.
Et voilà comment
aujourd’hui les amateurs de pittoresque peuvent voir Venise à Tamatave.
Mais gare aux locataires
de la pointe Hastie. Bien sûr qu’en raison de la plus-value que cette
attraction va donner à la rue de l’Amiral-Pierre, et peut-être à la rue
Jean-Laborde, les loyers vont augmenter.
Le Courrier colonial
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