(Suite.)
En 1895, alors que la
guerre le chassait de Madagascar, on vit le P. Roblet traverser la France
qu’il n’avait pas revue depuis 1862. Le ministre l’avait mandé ; on
voulait avoir, se sa bouche et de celle du P. Colin, des renseignements
qu’eux seuls pouvaient fournir.
Aussitôt après la prise
de Tananarive, il repartit pour le pays qu’il aimait et d’où il ne devait plus
revenir.
Depuis cette époque il
résida à Tananarive, mais chaque année, malgré son grand âge, il s’en allait
pour un mois ou deux visiter dans les montagnes de l’Ankaratra ses chrétientés
d’autrefois, « retrouvant grands-pères les enfants qu’il baptisa, et ne
retrouvant même plus dans l’herbe des talus les ruines de ses anciennes
églises ».
Il avait certainement été
le premier photographe de la grande île : il débuta aux temps héroïques
des plaques au collodion qu’il devait faire lui-même, et traînait partout son
volumineux attirail. Malgré ces difficultés rebutantes, il avait réuni un
trésor de clichés, documents uniques, sur cette époque curieuse et inconnue de
l’histoire malgache. Il y travailla jusqu’à la fin, car il eut toujours un
faible pour cet art où il était passé maître ; ces derniers mois encore,
presqu’aveugle, il faisait de la photographie, au jugé, et telle était son
habitude qu’il réussissait. Il fut le dernier à profiter de ces trésors :
ses collections ont été dépouillées des clichés les plus rares par les
visiteurs peu discrets qui, sans vergogne, s’en attribuèrent le mérite.
Car nul plus que lui
n’était accueillant. On aimait tant à visiter dans sa chambrette encombrée, ce
vieillard fluet et si aimable qu’on trouvait toujours, la loupe à la main,
penché sur une carte.
Le monde officiel,
volontairement, l’oubliait lui et ses services. Il était de ceux envers qui la
gratitude pèse, mais les Malgaches et bien des Européens le connaissaient et
l’aimaient. Depuis si longtemps, on voyait sa maigre silhouette, l’appareil en
bandoulière, passer dans Tananarive où, d’instinct, il recherchait les chemins
casse-cou dont ses jambes avaient l’accoutumance : « Mais, Père
Roblet, nous allons nous tuer ! – Bah ! Voilà cinquante ans que j’y
passe. » Il semblait faire partie du paysage.
(À suivre.)
La Croix
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