Si les tribulations d’un
petit colon à Madagascar, que nous avons publiées récemment, sont attristantes
parce qu’elles mettent trop souvent en évidence les regrettables discordes qui
existent entre colons, elles montrent aussi que la vieille gaieté française ne
perd jamais ses droits.
Cette faculté de
s’amuser, même de ses propres déboires, est l’une des caractéristiques les plus
encourageantes pour l’avenir de notre race, car elle prouve que nous ne perdons
jamais courage.
Un prospecteur de
Madagascar, qui se heurtait à de sérieuses difficultés pour se procurer la
main-d’œuvre nécessaire, trouva un moyen ingénieux, sinon irréprochable, d’en…
emprunter à son voisin. Il fit tout simplement courir le bruit que les galeries
éboulées du dit voisin recélaient des travailleurs ensevelis et qu’il avait
défendu de parler de cet incident pour ne pas s’attirer d’affaires.
Nous laissons ici la
parole à l’intéressé, qui nous raconte dans les termes suivants les
persécutions dont il fut victime à la suite de cette dénonciation
calomnieuse :
« M. Qui-de-droit,
dont je ne saurais dire si, en la circonstance, il a été léger… ou le
contraire, fit immédiatement tout mettre en mouvement. Pendant deux mois,
officier de police judiciaire, contrôleur des mines, miliciens, sévirent sur
mon toby.
« Je voyais,
mélancoliquement, mes hommes s’en aller un à un ; ce n’était pourtant pas
pour cela que j’étais venu à Madagascar et que je paye exactement mes taxes et
mes impôts !
« Enfin, ma galerie
complètement déblayée à l’endroit de l’éboulement, on ne trouve pas le plus
petit tibia de mulet, pas le plus petit os de mouton, dont on pût parler dans
un rapport. L’invasion s’éloigne et je me frotte les mains ; je n’ai perdu
que cent hommes à peine, deux mois de travail, et il ne me faudra guère plus de
six mois pour ramener mes hommes dispersés…
« Allons, il n’y a
pas encore trop de mal. »
Avouez que peu de
métropolitains, fussent-ils animés de l’esprit parisien le plus sceptique et le
plus gouailleur, auraient pris la chose aussi gaiement.
S’il s’était agi
d’étrangers, l’incident aurait certainement eu des suites diplomatiques.
Le Courrier colonial
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