Parmi les nombreux
produits naturels dont le général Galliéni a fait commencer l’étude dès son
arrivée à Madagascar, on peut citer en ne s’occupant que des plus intéressants,
c’est-à-dire en portant l’attention seulement sur ceux qui donnent déjà lieu à
un important mouvement commercial : le caoutchouc, la gomme copal, le crin
végétal, la cire d’abeille, les essences forestières et les écorces tannantes
de palétuvier.
On trouve du caoutchouc
d’excellente qualité dans presque toutes les forêts de Madagascar.
Ce caoutchouc provient de
lianes, d’arbres ou d’arbustes.
Les principales lianes
fournissant une gomme d’excellente qualité sont : le Landolphia Perrieri, connu par les indigènes sous le nom de Piralahy, c’est-à-dire, mot à mot,
« caoutchouc mâle » ; le Landolphia
sphaerocarpa, appelé par les Malgaches Piravavy,
mot signifiant « caoutchouc femelle » et le Landolphia Madagascariensis, désigné sur place sous le nom de Voahena.
Les deux premières sortes
se rencontrent surtout dans le Nord-Ouest et dans l’Ouest.
La troisième est
abondante, principalement dans toutes les parties du versant oriental.
L’extraction du
caoutchouc liane, telle qu’elle est pratiquée par les Malgaches, entraîne le
sectionnement de tous les rejets dépassant la grosseur du doigt.
Ces rameaux sont coupés,
au moyen de la hachette indigène (antsibe),
en fragments de 50 à 60 centimètres de long, puis disposés verticalement
au-dessus d’un récipient quelconque, dans lequel s’écoule le latex qu’on
recueille, finalement, soit dans une petite marmite en fonte, soit encore, plus
simplement, dans un entre-nœud de tige de bambou ou dans un fragment de
calebasse. La coagulation est faite, en général, au moyen d’un peu d’acide
sulfurique étendu d’eau, de jus de citron ou de fruits de tamarin.
Parmi les arbres, on doit
mentionner les « guidroa » et les « hazondrano »
appartenant au genre Mascarenhasia ; puis l’« intisy » (Euphorbia intisy), plante croissant dans
l’Extrême-Sud, dans une région dont la végétation possède l’aspect le plus
étrange et dont on peut difficilement se faire une idée en Europe.
Les plantes de cette
contrée, dont le port diffère totalement de tout ce que nous avons l’habitude
de voir dans la zone tempérée, semblent complètement privées de feuilles et
sont, pour la plupart, entièrement couvertes d’épines nombreuses et acérées
rendant les déplacements dans la brousse particulièrement pénibles et
douloureux.
1° L’intisy est curieusement désigné à
Madagascar sous le nom caractéristique de « caoutchouc sans
feuilles ». Il a été déterminé et décrit par Drake del Castillo, en 1899,
époque à laquelle j’ai rapporté en France, pour la première fois, de nombreux
documents photographiques et échantillons concernant l’Euphorbia intisy que j’avais eu la bonne fortune de recueillir, en
1868, dans la région du Fort Dauphin.
Les exportations de
caoutchouc malgache ne dépassaient guère 400 tonnes en 1896. Elles sont
montées, progressivement, à près de 600 tonnes en 1903, ont dépassé
850 000 kg en 1904, 1 125 tonnes en 1910 et
801 000 kg en 1911.
2° Gomme copale : ce produit, employé
dans la confection des vernis, est tiré d’un grand arbre abondant sur la côte
orientale, l’Hymmenea verrucosa (Tandroho des Malgaches). La gomme copale
se présente sous l’aspect de masses jaunes plus ou moins foncées, presque
transparentes chez les échantillons de très belle qualité.
Les exportations sont
assez variables et ne paraissent pas suivre une marche régulière. Elles
atteignent environ 20 000 kg par an (21 151 kg en 1911).
3° Le raphia : le raphia est un grand
palmier très ornemental fournissant une fibre très employée en Europe, par les
horticulteurs, et dont on commence à se servir pour faire des étoffes
d’ameublement.
Le raphia se rencontre
sur une grande partie du versant oriental, ainsi que dans le Nord-Ouest et dans
l’Ouest. On ne le trouve ni dans l’Extrême-Nord ni dans l’Extrême-Sud de
Madagascar. Dans le Centre, il en existe seulement quelques spécimens isolés.
Ce que nous appelons la
fibre de raphia n’est pas autre chose que l’épiderme supérieur des jeunes feuilles
que l’on coupe peu avant leur épanouissement.
Les usages locaux du
raphia sont innombrables. On en fait des vêtements, des coiffures et des
instruments de pêche. Avec la nervure médiane des feuilles qui atteignent
jusqu’à 12 m. de long, on confectionne des échelles et des filanjanes
(sorte de chaise à porteur). On se sert également de ces nervures pour établir
des charpentes légères. On consomme enfin le bourgeon terminal de ce palmier
qui constitue un excellent chou palmiste.
Le raphia brut constitue
un des importants produits naturels de Madagascar. En 1896, les exportations de
raphia ont à peine atteint 1 584 tonnes. Depuis 1905, elles dépassent
4 000 tonnes par an et se sont élevées à plus de
6 300 tonnes en 1911. À ce chiffre il convient d’ajouter les
exportations de tissus de raphia ou rabanes qui, actuellement, atteignent
70 000 francs par an (exportations de 1911).
Crin végétal : à côté du raphia il faut citer le crin végétal,
fibre très employée en brosserie, qui est fournie en abondance par des palmiers
croissant sur le versant Est. Madagascar en exporte 40 à 70 tonnes par an
(69 824 kg en 1911).
Cire d’abeille : parmi les produits de la forêt et de la brousse,
la cire d’abeille se classe au rang de ceux qui donnent lieu aux exportations
les plus importantes. La cire d’abeille récoltée à Madagascar provient
exclusivement des ruches sauvages. La récolte en est faite par les indigènes.
On en trouve dans presque toutes les forêts. Les exportations de ce produit
accusent, depuis dix ans, une progression assez rapide. Elles ne dépassaient
guère 191 tonnes en 1896 et ont atteint 531 000 kg en 1910.
Bois : à signaler enfin que Madagascar exporte une certaine quantité de bois,
surtout de l’ébène, du palissandre, et des bois rouges analogues à l’acajou.
Les forêts de la Colonie renferment une foule d’essences très intéressantes,
mais encore insuffisamment connues et dont l’exploitation est souvent rendue
difficile, sinon impossible, à cause de l’insuffisance des moyens de
communication. Comme presque partout, on s’est surtout intéressé aux bois durs
qui sont très abondants dans l’île. Certains résistent aux clous. Il semble
aujourd’hui qu’il serait aussi très utile de chercher à employer les bois
tendres et légers dont l’exploitation serait bien plus facile. Contrairement à
ce que l’on croit en général, ces bois pourraient peut-être recevoir d’importantes
applications en Europe. L’accroissement des exportations de bois de Madagascar
est surtout lié au développement des voies de communication qui a été l’une des
principales préoccupations du général Galliéni pendant les dix ans qu’il a
passés à la tête de cette colonie. Cette question est liée également à celle de
l’abaissement du fret qui, pour permettre le commerce des produits encombrants
et d’une valeur intrinsèque relativement faible, doit être aussi réduit que
possible. Depuis quelques années, Madagascar exporte entre 250 000 et
350 000 francs de bois par an.
Ecorces tannantes : il reste à mentionner, pour terminer, les
écorces tannantes de palétuvier qui, depuis quelques années, figurent parmi les
exportations de Madagascar. Cet article est surtout expédié en Allemagne.
Dans le Nord-Ouest et
dans l’Ouest les réserves de ce produit, dont le Jardin colonial s’est beaucoup
occupé, sont extrêmement abondantes.
La première exportation a
eu lieu en 1902 ; il s’agissait d’un simple échantillon ne dépassant guère
une tonne.
En 1905 les envois sont
montés à 136 820 kg. En 1911 ils se sont élevés à plus de
53 000 tonnes.
À côté des écorces de
palétuviers il faudrait encore citer les cocons du ver à soie sauvage, les
pailles de chapellerie, etc., mais le cadre forcément restreint de cet article
nous oblige à mentionner simplement ces articles sans nous y arrêter.
Les exportations des
produits de la brousse accusent donc de grands progrès ; mais il importe,
en même temps, d’appeler l’attention sur un danger sérieux qu’on s’efforce de
restreindre le plus possible dans les colonies étrangères, mais dont on ne
s’occupe peut-être pas assez chez nous. Je veux parler des feux de brousse
pratiqués sur une si grande échelle à Madagascar et qui, si l’on n’y prend
garde, pourront anéantir, peu à peu et sans profit, tout le stock de richesses
naturelles renfermées dans les forêts malgaches.
Il ne faut pas songer à
interdire brusquement la pratique des feux de brousse. Vouloir agir sans
transition pourrait avoir les conséquences les plus désastreuses ; mais il
importe, à tout prix, d’enrayer peu à peu la coutume d’incendier la brousse et
la forêt en montrant aux indigènes comment ils peuvent éviter d’avoir recours à
cette pratique désastreuse.
D’un autre côté on ne
saurait trop recommander aux fonctionnaires coloniaux d’user de toute leur
influence et de toute leur autorité sur les populations indigènes pour qu’on ne
saigne pas à blanc les caoutchoucs exploités et pour qu’on n’abatte pas
inutilement des plantes utiles.
Dans les pays chauds, on
a rarement le respect des plantes. Les indigènes y abattent et massacrent
souvent des arbres sans raison. Il appartient à l’administration de s’efforcer
de corriger cette coutume déplorable.
Ém. Prudhomme.
Ingénieur Agronome, Directeur du Jardin colonial.
La Nature
Extrait de Madagascar il y a 100 ans. Février 1913.
(A paraître dans quelques jours)
Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
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