2 octobre 2014

Il y a 100 ans : Les crocodiles malgaches (5)

(Suite.)
Les poissons, tous trop rapides pour être forcés à la course, sont d’une capture plus difficile, si difficile même que l’on voit souvent dans les endroits très poissonneux des crocodiles se spécialiser dans la pêche comme certains d’entre eux, ainsi que nous le verrons plus loin, se font une spécialité de la chasse à l’homme.
Pour s’emparer du poisson, ces sauriens pêcheurs ont, comme les humains, deux méthodes, la manière douce et la manière forte. La manière forte consiste à se précipiter à toute allure, gueule grande ouverte, sur la proie convoitée ; cette attaque brusquée ne réussit guère que sur les bancs de poissons, dont les innombrables individus, confiants en leur grand nombre, laissent dévorer sans fuir quelques-uns d’entre eux. D’après les Sakalaves, le crocodile, dans l’autre méthode, se tient au contraire immobile au fond de l’eau ou un peu au-dessus, en ouvrant la gueule aussi large que possible. Alléché par cette vaste chose toute rose, qui dégage sans doute d’appétissants parfums, certains poissons y viendraient butiner et le mamba se contenterait de refermer sa vaste gueule chaque fois qu’une proie notable entrerait dans ce filet d’un nouveau genre. Je ne sais si la chose est vraie, mais je tiens les Sakalaves pour de merveilleux observateurs et j’ai trouvé dans l’estomac de ces sauriens des anguilles et des poissons de fond qu’il ne leur est pas possible de prendre en vitesse.
Pour s’emparer des oiseaux aquatiques, le mamba nage doucement parmi les herbes et s’embusque immobile au milieu des roseaux et des feuilles de nénuphar parmi lesquelles on ne distingue pas l’extrémité de son museau qui, seule, émerge à la surface de l’eau. Il attend ainsi patiemment, souvent pendant des heures, qu’un volatile guidé par sa mauvaise chance vienne se poser à proximité, tente alors de le saisir d’un formidable coup de gueule et, s’il a réussi, l’avale d’un trait. Le claquement puissant de ses mâchoires retentissant soudain sur la calme surface d’un lac ou d’un étang et les mille cris d’effroi, de colère et de haine dont accueillent ce bruit les oiseaux innombrables des roseaux et des rives, forment alors un concert d’une sauvage grandeur, une des choses les plus émouvantes qu’il m’ait été donné d’entendre.
(À suivre.)
Perrier de la Bathie.

Bulletin de l’Académie malgache


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