(Suite.)
Les poissons, tous trop
rapides pour être forcés à la course, sont d’une capture plus difficile, si
difficile même que l’on voit souvent dans les endroits très poissonneux des
crocodiles se spécialiser dans la pêche comme certains d’entre eux, ainsi que
nous le verrons plus loin, se font une spécialité de la chasse à l’homme.
Pour s’emparer du
poisson, ces sauriens pêcheurs ont, comme les humains, deux méthodes, la
manière douce et la manière forte. La manière forte consiste à se précipiter à
toute allure, gueule grande ouverte, sur la proie convoitée ; cette
attaque brusquée ne réussit guère que sur les bancs de poissons, dont les
innombrables individus, confiants en leur grand nombre, laissent dévorer sans
fuir quelques-uns d’entre eux. D’après les Sakalaves, le crocodile, dans
l’autre méthode, se tient au contraire immobile au fond de l’eau ou un peu
au-dessus, en ouvrant la gueule aussi large que possible. Alléché par cette
vaste chose toute rose, qui dégage sans doute d’appétissants parfums, certains
poissons y viendraient butiner et le mamba se contenterait de refermer sa vaste
gueule chaque fois qu’une proie notable entrerait dans ce filet d’un nouveau
genre. Je ne sais si la chose est vraie, mais je tiens les Sakalaves pour de
merveilleux observateurs et j’ai trouvé dans l’estomac de ces sauriens des
anguilles et des poissons de fond qu’il ne leur est pas possible de prendre en
vitesse.
Pour s’emparer des
oiseaux aquatiques, le mamba nage doucement parmi les herbes et s’embusque
immobile au milieu des roseaux et des feuilles de nénuphar parmi lesquelles on
ne distingue pas l’extrémité de son museau qui, seule, émerge à la surface de
l’eau. Il attend ainsi patiemment, souvent pendant des heures, qu’un volatile
guidé par sa mauvaise chance vienne se poser à proximité, tente alors de le
saisir d’un formidable coup de gueule et, s’il a réussi, l’avale d’un trait. Le
claquement puissant de ses mâchoires retentissant soudain sur la calme surface
d’un lac ou d’un étang et les mille cris d’effroi, de colère et de haine dont
accueillent ce bruit les oiseaux innombrables des roseaux et des rives, forment
alors un concert d’une sauvage grandeur, une des choses les plus émouvantes
qu’il m’ait été donné d’entendre.
(À suivre.)
Perrier de la Bathie.
Bulletin de l’Académie malgache
L'intégrale en un livre numérique (un volume équivalant à 734 pages d'un ouvrage papier), disponible en deux endroits:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire