(Suite.)
C’est dans cette chambre
circulaire que le crocodile passe la plus grande partie de la saison fraîche,
sans d’ailleurs qu’il y soit plongé en léthargie, car il suffit d’un beau jour
pour qu’il en sorte et vienne s’étaler paresseusement sur sa plage. Il n’y est
pas seul d’ailleurs et bien souvent en commensal, une tortue d’eau douce, que
maître crocodile avale bien lorsqu’elle est jeune mais que sa carapace lui fait
ensuite respecter, vient cohabiter avec lui. Ces tortues, en effet, ayant des
mœurs analogues, profitent de ce gîte si sûr et il arrive parfois que son
propriétaire y repose sur un vrai lit de tortues endormies. Les Sakalaves de
l’Ouest n’ignorent rien de cette étrange association et ce sont eux-mêmes, au
cours d’une chasse aux tortues, qui m’ont fait pour la première fois connaître
la curieuse habitation du mamba et ses hôtes divers.
Le crocodile malgache ne
mange presque pas pendant tout le cours de la saison fraîche. La chasse alors
n’étant guère fructueuse et la température plus basse rendant ses mouvements
plus lents, il passe ce moment de l’année à sommeiller immobile dans son antre,
n’en sortant que les beaux jours pour venir faire au soleil d’interminables
siestes. C’est sans doute pour tromper la faim et calmer les affres d’un si
long jeûne qu’il engouffre alors les galets de quartz et les matériaux
hétéroclites que j’ai trouvés dans tous les estomacs de crocodile que j’ai
ouverts en cette saison.
Dès les premières
chaleurs, dès que les premiers orages de la fin de septembre ou du commencement
d’octobre ont troublé l’eau des torrents, il s’éveille et se met furieusement
en chasse. Le gibier qu’il poursuit est très varié, mais ses moyens d’action
sont en somme limités, et, par suite, les ruses qu’il doit employer sont sans
nombre. La plupart de ses proies, les plus petites, celles qu’il avale toutes
rondes et toutes vives, habitent l’eau, son élément de prédilection, celui où
il peut déployer toute sa puissance et toute sa force. Ce sont des tortues, de
jeunes crocodiles, des poissons et des oiseaux aquatiques. Tortues et
crocodiles ne sont des proies faciles que lorsque ces animaux sont très jeunes.
Plus tard, les longues dents des uns et l’épaisse carapace des autres leur ôtent
toute comestibilité.
(À suivre.)
Perrier de la Bathie.
Bulletin de l’Académie malgache
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