(Suite.)
« Un jour le village
se rassemble pour une de ces sortes de proclamation publique connues sous le
nom de Kabary. M. Jeffreys s’y rend comme il le faisait d’habitude :
tout le monde se disperse. Un peu inquiet de cette marque de défiance, le
missionnaire rentre chez lui. Derrière lui un des principaux du village arrive
et l’informe qu’on a décidé de faire un service solennel en l’honneur de
l’idole, afin d’apaiser la colère qu’elle a ressentie en le voyant lui et ses
serviteurs travailler avec des outils de fer le vendredi. Le dimanche d’après
personne ne vint au culte : la terreur semblait s’être s’emparée des
gens ».
« Le jeudi suivant,
raconte Mme Jeffreys[1], trois des ouvriers employés au nivellement de
notre jardin exprimèrent le désir de travailler le lendemain, vendredi (jour
sacré)[2]. M. Jeffreys leur répondit qu’il les
laissait libres de faire ce qu’ils voulaient. Le lendemain ils vinrent et
travaillèrent toute la journée ».
« Le samedi matin,
quatre des chefs de village vinrent en députation, nous saluèrent avec force
discours où se mêlaient les noms du roi, de sa mère, de sa famille, de
M. Jeffreys et des siens, et nous déclarèrent enfin que le vendredi étant
leur jour sacré, ils ne faisaient jamais rien avec un outil de fer ce jour-là.
Ayant vu que M. Jeffreys travaillait lui-même ce jour-là et surtout qu’il
avait fait travailler des indigènes, ils venaient lui faire des observations à
ce sujet : le temps était mauvais depuis quelque temps, le vent violent,
et l’oracle avait déclaré que tout le riz serait perdu et les maisons brûlées,
si l’on continuait à employer la bêche le vendredi ».
« M. Jeffreys
répondit qu’il avait vécu plusieurs mois à Tananarive, et que là, ni lui ni ses
compagnons n’avaient reçu aucun ordre du roi, ni des nobles, ni des magistrats,
touchant certains jours sacrés ; envoyé à Ambatomanga par Radama, il n’en
avait reçu non plus aucune instruction sur l’observation du vendredi… Il
chercha ensuite à raisonner avec eux et à leur montrer l’absurdité qu’il y
avait à supposer que le travail du vendredi pût avoir quelque influence sur le
vent ou le feu ».
(À suivre.)
G. Mondain.
Bulletin de l’Académie malgache
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