J’étais à Tananarive, il
y a six ans, chargé d’une mission économique par le ministre des Colonies,
lorsqu’arriva dans la capitale malgache un de ces hardis colons dont le nombre
décroît tous les jours, probablement parce que leur énergie n’est pas toujours
vue d’un très bon œil.
Ce colon, Lucien Rey,
avait parcouru quelques centaines de kilomètres à travers la brousse, poussant
devant lui un troupeau de magnifiques bœufs qu’il voulait, disait-il, amener en
France. Une pareille témérité stupéfia l’administration et même la plupart des
colons. Je fus un des rares Européens qui eurent foi dans le succès de cette
audacieuse tentative et encouragèrent Rey à la tenter.
Nous avions raison car
son troupeau, transporté par chemin de fer à Brickaville, de là à Tamatave sur
un bateau des Pangalanes, puis chargé sur un steamer de la Compagnie Havraise
Péninsulaire, débarquait à Marseille quarante-cinq jours après et arrivait à la
Villette sans qu’un animal manquât à l’appel et dans un état si satisfaisant
que les bouchers parisiens, stupéfaits, trouvaient ces zébus presque trop gras.
La preuve était faite,
les bœufs de Madagascar pouvaient être amenés en France et contribuer à
l’alimentation de nos concitoyens. Un mouvement commercial très important
allait donc s’établir entre la métropole et sa colonie et contribuer pour une
large part à la prospérité de la Grande Île.
Ces légitimes espérances
ne se réalisèrent malheureusement pas. Rey, comme presque tous les novateurs,
fut récompensé par la plus complète indifférence de son initiative qui avait
absorbé la totalité de ses modestes ressources. Il retourna désabusé et ruiné à
Madagascar.
D’autres tentatives,
cependant, suivirent celle-ci. Plusieurs échouèrent parce que les convoyeurs
n’avaient pas une expérience suffisante des bœufs de la Grande Île. Ces
insuccès furent exploités par les éleveurs français, inquiets d’une concurrence
qui pouvait les contraindre à modérer leurs exigences sur le marché métropolitain.
(À suivre.)
F. M.
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