16 mars 2015

Il y a 100 ans : Six millions de bœufs à Madagascar (1)

J’étais à Tananarive, il y a six ans, chargé d’une mission économique par le ministre des Colonies, lorsqu’arriva dans la capitale malgache un de ces hardis colons dont le nombre décroît tous les jours, probablement parce que leur énergie n’est pas toujours vue d’un très bon œil.
Ce colon, Lucien Rey, avait parcouru quelques centaines de kilomètres à travers la brousse, poussant devant lui un troupeau de magnifiques bœufs qu’il voulait, disait-il, amener en France. Une pareille témérité stupéfia l’administration et même la plupart des colons. Je fus un des rares Européens qui eurent foi dans le succès de cette audacieuse tentative et encouragèrent Rey à la tenter.
Nous avions raison car son troupeau, transporté par chemin de fer à Brickaville, de là à Tamatave sur un bateau des Pangalanes, puis chargé sur un steamer de la Compagnie Havraise Péninsulaire, débarquait à Marseille quarante-cinq jours après et arrivait à la Villette sans qu’un animal manquât à l’appel et dans un état si satisfaisant que les bouchers parisiens, stupéfaits, trouvaient ces zébus presque trop gras.
La preuve était faite, les bœufs de Madagascar pouvaient être amenés en France et contribuer à l’alimentation de nos concitoyens. Un mouvement commercial très important allait donc s’établir entre la métropole et sa colonie et contribuer pour une large part à la prospérité de la Grande Île.
Ces légitimes espérances ne se réalisèrent malheureusement pas. Rey, comme presque tous les novateurs, fut récompensé par la plus complète indifférence de son initiative qui avait absorbé la totalité de ses modestes ressources. Il retourna désabusé et ruiné à Madagascar.
D’autres tentatives, cependant, suivirent celle-ci. Plusieurs échouèrent parce que les convoyeurs n’avaient pas une expérience suffisante des bœufs de la Grande Île. Ces insuccès furent exploités par les éleveurs français, inquiets d’une concurrence qui pouvait les contraindre à modérer leurs exigences sur le marché métropolitain.
(À suivre.)
F. M.

Le Courrier colonial

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