Nous l’avons dit déjà en présentant le volume précédent, Madagascar en 1913, cette compilation d’articles donne la parole aux seuls colons et, parfois, aux politiciens qui les représentent (ou croient les représenter) en France métropolitaine. On ne s’étonnera donc pas de rencontrer souvent des avis aussi péremptoires que négatifs à propos des Malgaches, d’ailleurs nommés habituellement les indigènes.
Une seule exception, mais notable : La Dépêche malgache, journal créé à Tamatave (nous utilisons les appellations françaises des villes et, pour les noms malgaches, c’est au petit bonheur la chance, comme dans les textes originaux) en octobre, introduit dès son premier numéro une chronique piquante censée être écrite par un tireur de pousse-pousse qui y livre des réflexions en complet décalage avec la tonalité générale de la presse.
L'année 1914 est marquée par l’ouverture des hostilités en Europe, avec ses conséquences lointaines mais inévitables. Madagascar, colonie française, se joint bien entendu comme un seul homme à l’enthousiasme patriotique qui anime la « Mère Patrie ». Pas une tête ne dépasse, ou presque. En revanche, on voit des Allemands partout. Ceux de Tamatave, qui se sont vantés d’être les seigneurs locaux, sont exilés à l’Îlot Prune, avant de revenir à Tananarive sous bonne escorte, le lazaret ayant à reprendre du service. Un navire ennemi montre sa proue du côté de Majunga. Menaçant, dit-on. L’alerte ne se dégonflera que plus tard. Les risques engendrés par les débits de boissons tenus par les Allemands et leurs alliés sont pris très au sérieux. Le Journal officiel fournit les listes des établissements fermés en vue de préserver l’ordre social.
À dire vrai, la guerre ne fait, dans ses premiers mois, guère sentir ses effets à Madagascar. Une mobilisation immédiate, aussitôt postposée, quelques embarquements vers le front, de temps à autre une mauvaise nouvelle.
En revanche, les hommes ont leurs propres occupations violentes. Deux belles affaires criminelles agitent la presse. Un assassinat au Tribunal de Tananarive, le meurtre sauvage d’un commerçant de Tamatave, il y a de quoi se mettre du fait divers sous la dent, sans évoquer ici des affaires plus banales.
N’oublions pas les caprices d’une nature qui frappe sans se soucier de savoir qu’un siècle plus tard, on attribuera la recrudescence des catastrophes climatiques à un réchauffement de la planète. On notait, en 1914 : « Cette fréquence des cyclones dans la Grande Île devient vraiment inquiétante. Il y a cinquante ans seulement, ce fléau y était presque inconnu ; depuis quelques années, leur retour semble périodique et il y en a même parfois plusieurs par an. Le régime météorologique de la mer des Indes s’est évidemment modifié ; c’est donc une situation nouvelle dont il faudra tenir compte pour l’avenir. »
La vie suit donc son cours sur la Grande Île, comme on peut le voir dans la chronique publiée actuellement dans chaque numéro du quotidien d’Antananarivo, Les Nouvelles (et partiellement reprise, avec un décalage variable, dans ce blog), où Madagascar il y a 100 ans utilise en partie la matière qui se retrouve ici, considérablement amplifiée.
Car Madagascar en 1914, l'ouvrage numérique proposé aujourd'hui par la Bibliothèque malgache, est un fort volume (qui serait trop coûteux à imprimer), l'équivalent d'un livre papier de 800 pages, vendu au prix (modique) de 6,99 euros et disponible dès aujourd'hui dans toutes les bonnes librairies proposant un rayon ebooks.
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