Ankorabé, 16 novembre 1913.
Cher Monsieur,
Le respect s’en va !… C’est ce que dit un journal qui m’est arrivé avec
pas mal de retard, car la poste, dans la brousse, ne va ni vite ni
régulièrement, quand on ne va pas soi-même chercher son courrier.
Et oui !… le respect
s’en va !… Nous en savons quelque chose, nous pauvres planteurs que les
ouvriers que nous employons traitent de la façon la plus cavalière et souvent
la plus insultante. Ils travaillent quand ils veulent, et, il n’y a pas de
contrat qui tienne, ils s’en vont quand ils veulent.
Le conseil d’arbitrage,
me direz-vous ? Ah ! l’excellente blague, bonne tout au plus à perdre
notre temps et notre argent, ainsi qu’à mettre en fuite les ouvriers qui restent,
lesquels ont soin de nous planter là, juste au moment où la récolte a le plus
besoin d’eux. Il n’y a qu’un moyen, si vous ne voulez pas être ruiné, celui de
courber la tête et de ne rien dire.
Mais aussi, si le respect
s’en va, à qui la faute ? L’exemple, ou plutôt la leçon, vient de haut, et
les Malgaches qui sont de fins observateurs, comme tous les peuples primitifs,
s’appliquent à nous imiter dans le bon comme dans le mauvais, et plus
facilement dans le mauvais, cela va de soi.
Ceux qui viennent de la
ville leur commentent, en les exagérant, ce que disent les gazettes, et je ne
saurais vous dire à quel point certains d’entre eux sont contents de voir les
insultes que certaine presse, qui se prétend française, déverse tous les jours
sur ce qui, dans ce pays éloigné, conquis d’hier, a le droit à tous les
respects et à la plus complète soumission, c’est-à-dire au principe même d’autorité
qui représente ici la souveraineté française.
Et c’est nous, colons
perdus dans la brousse qui en supportons le contrecoup, car, aux yeux de ces
primitifs, nous faisons partie, comme Français, de ce principe d’autorité qu’ils
voient, avec une satisfaction qui se comprend, bafoué et foulé aux pieds.
Enfin, à quoi veut-on en
venir avec ces attaques immondes contre notre gouverneur général qui, ici, personnifie
la France ? Que lui reproche-t-on ? Quel est le grief relevé contre
lui ?
Le Tamatave
(À suivre.)
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