(Suite et fin.)
Il y a plus encore.
C’est aujourd’hui
dimanche ; mes ouvriers sont on balade : j’ai donc le temps de vous
exposer ma manière de voir, qui, du reste, est celle de tous les voisins avec
qui j’ai eu l’occasion d’en parler. Voici :
Quand M. Picquié est
arrivé à Madagascar, il connaissait peu, ou imparfaitement du moins, la colonie
et ses besoins. Puis il n’a pas tardé à s’apercevoir qu’il ne pouvait pas
compter sur ses auxiliaires, du moins sur la plupart d’entre eux.
Alors, en administrateur
avisé, consciencieux, vraiment à la hauteur de sa mission, il s’est mis à
étudier le pays afin de se rendre compte par lui-même de ses besoins. Cela, on
n’est pas venu nous le conter ; nous l’avons vu nous-même à l’œuvre de nos
propres yeux.
Et c’est au moment où il
vient d’acquérir cette expérience qui lui manquait, au moment où il connaît, en
détail, les besoins de la Colonie et ses ressources, qu’il a étudié
minutieusement les moyens de donner satisfaction à ces besoins en mettant ces
ressources à profit, au moment, par conséquent, où il est le plus apte à rentre
des services à notre colonie, c’est à ce moment-là, dis-je, qu’on l’éloignerait
de Madagascar ?
Oh non !… ce serait
un défi au bon sens et il y a lieu de croire, plus que jamais, que ce dernier
règne encore en terre de France.
Que M. Picquié aille
prendre quelques mois d’un repos bien gagné, rien de plus naturel et de plus
légitime.
Mais qu’il nous abandonne
ou qu’on le remplace au moment où il peut nous être plus utile, c’est ce que
nous, colons, nous ne pouvons comprendre. Le gouvernement libéral que la France
s’est enfin donné, n’y prêtera pas la main, dussent tous les blocards en crever
de dépit.
M. Picquié doit à la
Colonie, et se doit à lui-même de compléter son œuvre. C’est un droit et un
devoir pour lui.
Du reste, rien de plus
désastreux pour la bonne marche d’une colonie que ces à-coups, ces changements
fréquents dans sa direction. À tout propos on nous cite les Anglais comme
colonisateurs modèles. Mais eux ont soin de laisser quinze et vingt ans le même
gouverneur à la tête d’une même colonie ; ils sont logiques. Qu’on les
imite au moins en cela !
Excusez mon bavardage et
cordialement à vous.
B.
Le Tamatave
Madagascar il y a 100 ans - Janvier 1913 est disponible :
en version papier (123 pages, 10 € + frais de port)
en version epub (4,99 €).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire