(Suite et fin.)
Celui-ci raconte
qu’allant aux îles de la Sonde il atterrit avec quelques autres marins à une
île déserte où se trouvait un œuf de Rokh dont la coquille entr’ouverte
laissait passer la tête du jeune oiseau. « Mes compagnons, ajoute-t-il,
après avoir, malgré mes avertissements, brisé l’œuf à coups de hache, mangèrent
le poussin. Sur ces entrefaites parurent au loin comme deux grands nuages
blancs ; le capitaine reconnut de suite que c’étaient des Rokhs et,
faisant embarquer précipitamment tout son monde, il mit à la voile. Les cris de
ces monstres retentissaient dans les airs comme autant de coups de tonnerre.
« Dès qu’ils eurent
vu l’œuf cassé et leur petit mort, ils prirent chacun dans leurs serres un
rocher gros comme une montagne, et, se dirigeant en toute hâte de notre côté,
ils planèrent quelques instants au-dessus de nos têtes, puis laissèrent tomber
ces rochers ; l’un entr’ouvrit, tout à côté de nous, la mer dont nous
aperçûmes le fond, et l’autre brisa en mille pièces notre pauvre navire dont
l’équipage périt au milieu des flots. »
En réalité, le Rokh – et
Ibn Batouta nous confirme dans cette opinion – cet oiseau spécial aux mers de
Chine et à la partie méridionale de l’Océan Indien, qui n’apparaissait qu’à certaines
saisons de l’année, qui obscurcissait le ciel et faisait sombrer les navires,
est la personnification poétique des trombes, des cyclones et des typhons, en
un mot de tous ces terribles météores que l’imagination féconde des marins
orientaux a ainsi dénaturés.
Grâce au squelette du
Muséum, il ne reste plus rien aujourd’hui de ces hypothèses ni de ces légendes,
car, comme il est facile de s’en rendre compte, l’Æpyornis de Madagascar était
incapable de voler et se mouvait à terre lourdement ; ses ailes étaient
extrêmement, ridiculement petites et, comme le montrent ses phalanges, il
n’avait pas de serres ; ses pattes étaient dépourvues de pouce et
n’avaient que trois doigts comme celles des casoars et des nandous.
Pour terminer, rappelons
que c’est un œuf d’Æpyornis, rapporté à la suite d’un périple par des
navigateurs carthaginois, qui était suspendu à la voûte du temple de Tanit,
temple dont Flaubert donne, dans Salammbô,
une si belle description.
G. G.
Journal des débats politiques et littéraires
L'intégrale en un livre numérique (un volume équivalant à 734 pages d'un ouvrage papier), disponible en deux endroits:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire