14 février 2014

Il y a 100 ans : À propos de fossiles nouvellement exposés au Muséum d’histoire naturelle (3)

(Suite et fin.)
Celui-ci raconte qu’allant aux îles de la Sonde il atterrit avec quelques autres marins à une île déserte où se trouvait un œuf de Rokh dont la coquille entr’ouverte laissait passer la tête du jeune oiseau. « Mes compagnons, ajoute-t-il, après avoir, malgré mes avertissements, brisé l’œuf à coups de hache, mangèrent le poussin. Sur ces entrefaites parurent au loin comme deux grands nuages blancs ; le capitaine reconnut de suite que c’étaient des Rokhs et, faisant embarquer précipitamment tout son monde, il mit à la voile. Les cris de ces monstres retentissaient dans les airs comme autant de coups de tonnerre.
« Dès qu’ils eurent vu l’œuf cassé et leur petit mort, ils prirent chacun dans leurs serres un rocher gros comme une montagne, et, se dirigeant en toute hâte de notre côté, ils planèrent quelques instants au-dessus de nos têtes, puis laissèrent tomber ces rochers ; l’un entr’ouvrit, tout à côté de nous, la mer dont nous aperçûmes le fond, et l’autre brisa en mille pièces notre pauvre navire dont l’équipage périt au milieu des flots. »
En réalité, le Rokh – et Ibn Batouta nous confirme dans cette opinion – cet oiseau spécial aux mers de Chine et à la partie méridionale de l’Océan Indien, qui n’apparaissait qu’à certaines saisons de l’année, qui obscurcissait le ciel et faisait sombrer les navires, est la personnification poétique des trombes, des cyclones et des typhons, en un mot de tous ces terribles météores que l’imagination féconde des marins orientaux a ainsi dénaturés.
Grâce au squelette du Muséum, il ne reste plus rien aujourd’hui de ces hypothèses ni de ces légendes, car, comme il est facile de s’en rendre compte, l’Æpyornis de Madagascar était incapable de voler et se mouvait à terre lourdement ; ses ailes étaient extrêmement, ridiculement petites et, comme le montrent ses phalanges, il n’avait pas de serres ; ses pattes étaient dépourvues de pouce et n’avaient que trois doigts comme celles des casoars et des nandous.
Pour terminer, rappelons que c’est un œuf d’Æpyornis, rapporté à la suite d’un périple par des navigateurs carthaginois, qui était suspendu à la voûte du temple de Tanit, temple dont Flaubert donne, dans Salammbô, une si belle description.
G. G.

Journal des débats politiques et littéraires


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