(Suite.)
— Où est né ton
enfant, demande cet important fonctionnaire ?
— Dans la province
de…
— Alors, pourquoi me
l’apportes-tu ici ? C’est dans la province où il est venu au monde qu’il
faut le déclarer, et non ici.
— Mais, répond
humblement notre indigène qui commence à être inquiet, le chef du village a
refusé d’accepter la déclaration de ma femme, et l’a renvoyée à vous.
— Eh ! bien, ce
chef-là ne connaît pas son métier. Tu vas retourner là-bas, faire ta
déclaration, et sans tarder, car la négligence te met dans un mauvais cas.
Or, pour retourner au
lieu de naissance de l’enfant, il faut compter cinq ou six jours de marche, au
bas mot !
Affolés, les infortunés
parents courent chez le colon qui les emploie, et lui content leur mésaventure.
Celui-ci leur promet de
tout arranger, et s’en va trouver l’administrateur chargé du district, à qui il
expose l’affaire.
— Le cas est grave,
répond le fonctionnaire d’un air soucieux. Votre employé tombe sous le coup des
pénalités édictées par la loi. Dura lex,
sed lex. Cependant, pour vous aider à tirer vos deux indigènes d’embarras,
je vais vous indiquer deux moyens, entre lesquels ils pourront choisir pour
donner un état-civil à l’enfant. Le père peut, soit le déclarer par un acte de
notoriété, en présence de sept témoins, soit, plus simplement, l’adopter…
— Un père
« adopter » son propre enfant. Mais vous n’y songez pas, réplique
notre compatriote abasourdi : ils vont plutôt chercher les sept témoins.
— Minute !
Ceux-ci ont-ils « assisté » à la naissance ?
— Assisté… Mais…
— Alors, il n’y a
rien à faire : la loi exige sept témoins « oculaires ».
Notre colon eut beau
discuter, le père dut, bon gré, mal gré, « adopter » son enfant, tout
comme s’il s’était agi de l’enfant d’un autre.
Pour cela quatre témoins,
qui n’étaient pas obligatoirement « oculaires », suffirent. Et comme
tout se paye quand on dérange un fonctionnaire, aux colonies aussi bien qu’en France,
il en coûte 5 fr. 50 à l’infortuné père pour adopter son enfant, sans
compter les frais de réception des témoins obligatoires.
(À suivre.)
Le Courrier colonial
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