Nous avons eu souvent
l’occasion de nous élever contre les lacunes et les imperfections du système
judiciaire à Madagascar qui se ressent encore trop des vieilles mœurs du temps
des Hovas. La superposition de notre procédure à ces coutumes locales déroute
l’indigène et le laisse trop souvent sans défense devant un appareil judiciaire
qu’il ne comprend pas.
Ses hésitations, le
sentiment de son ignorance, en font la proie des trop nombreux intermédiaires
qui se placent entre lui et la justice. Et d’abord, il lui faut payer ses
témoins, car, ainsi que nous l’avons exposé avec preuves l’appui, l’indigène ne s’est pas encore fait
à l’idée qu’un témoignage puisse être sincère, s’il n’est rémunéré.
Lorsqu’il veut faire
appel d’une décision de justice, il doit d’abord déposer 50 fr., qui a,
ensuite, toutes les peines du monde à se faire rembourser ; le justiciable
métropolitain, lui-même, en sait quelque chose. De plus, 50 francs, c’est
une grosse somme pour un Malgache.
Cette pénalité avant la
lettre peut donner lieu à de véritables abus de la part de certains
fonctionnaires, qui s’en servent pour obliger l’indigène à accepter leurs
décisions.
Enfin le justiciable
malgache doit compter avec l’esprit de solidarité des fonctionnaires européens
qui n’envisagent qu’avec répugnance l’idée de désavouer un collègue. Le juge du
premier degré, grâce à cette mentalité très particulière qui lui fait croire
que le prestige de l’administration tout entière est lié au sien propre, est
trop souvent tenté de voir dans l’infirmation d’un de ses jugements une
humiliation d’amour-propre.
Qu’il y ait du vrai dans
cette façon d’envisager les choses, ce n’est pas douteux : l’indigène qui
a obtenu gain de cause devant un tribunal supérieur alors qu’en première
instance il a été condamné par son administrateur direct, a une tendance assez
naturelle à narguer celui-ci. C’est donc avec une extrême prudence qu’une cour
d’appel doit apprécier un premier jugement répressif.
Encore faut-il considérer
que le meilleur moyen de nous attirer la fidélité et la confiance de l’indigène
est de lui rendre pleine justice.
Il y a donc là une
situation très délicate, qui mérite de retenir toute l’attention de l’autorité.
Le Courrier colonial
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