Nous avons déjà signalé
les difficultés auxquelles se heurte le petit colon quand il s’installe à
Madagascar.
Pour le Malgache, le
petit colon est, en même temps, l’ennemi et la vache à lait. Le produit de la
terre cultivée par le vazaha doit lui revenir au moins en partie. Cette commode
confusion entre le « tien » et le « mien » permet à
l’indigène de prendre ce dont il a besoin chez ce « fournisseur ». Il
surveillera les bananiers et emportera les régimes dès qu’ils seront à
point ; il ira à la ramée dans ses bois, et si les branches mortes ne lui
suffisent pas, il n’hésitera pas à mettre la cognée dans les arbres.
On cite le cas de ce
colon qui, ayant dû s’absenter de sa terre pendant quelques jours, vit à son
retour ½ hectare de son bois, qu’il avait laissé couvert de hautes
futaies, transformé en champs de riz ; le mpiadidy du village y avait tout
simplement mis le feu pour y semer l’appétissante graminée.
Quand le colon se
plaignit au chef de district de ce sans-gêne vraiment excessif, celui-ci lui
donna ce bénévole conseil.
— Eh ! bien,
laissez mûrir le riz et récoltez-le à sa place ; cette solution le
touchera plus qu’aucune intervention administrative ou judiciaire et vous
coûtera moins cher !
Si le colon veut planter
à son tour, ses champs de riz, de maïs, de haricots risquent d’être envahis
aussitôt qu’ensemencés par les volailles domestiques du voisinage ;
poules, canards, pigeons s’y abattent au grand dam des jeunes pousses qui sont
absorbées avec avidité par ces pillards emplumés.
Si le petit colon se
résigne, il a la paix ; s’il regimbe, il a tout le village sur le
dos ; on cherche à lui jouer mille tours, et, comme personne ne laisse sa
carte de visite, il est fort en peine pour savoir à qui s’en prendre.
Ce sont là les déboires
inévitables des débuts en matière de colonisation ; il ne faut pas les
prendre trop au tragique. Cependant, l’administration devrait étendre sa
protection sur les jeunes colons car ils risquent de se décourager et de tout
abandonner quand ils ne se sentent pas soutenus par l’autorité.
Le Courrier colonial
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