(Suite.)
À l’écart se tiennent les
Hovas silencieux et fins que leur réserve n’empêche point d’aimer la
conversation et d’être sociables et éloquents. De l’Extrême-Orient, d’où ils
vinrent jadis, ils ont gardé le visage presque jaune, de souples et rares
mouvements, des yeux légèrement bridés. Leur froid courage, une force
d’endurance les font résister mieux que les nègres à l’action dissolvante de la
lente mort, eux qui haïssent la brutalité armée, le combat.
Là, dans le village
abominable, les Hovas content des histoires et jouent, durant des journées
entières, à divers jeux rappelant les échecs… les « dames ». Ils ne
sont pas tristes, ils ne se plaignent point : ils sont graves.
*
La petite ramatoa a senti
le tressaillement de la maternité… Sans la préciser, elle évoque l’image future
d’un zazakelly aux yeux noirs, au teint bronzé, qu’elle portera sur son dos,
enveloppé d’un lamba faisant hotte. Ils ont très chaud ainsi, les petits
enfants, et ne pleurent jamais.
Elle le dit à son amant,
qui ne peut s’imaginer la matérialisation de son désir. Il ne voit que celle
qu’une même douleur unit à lui jusqu’à la mort.
Que se disent les amants,
tous deux, pendant les longues nuits ? Quels sont leurs mots de
tendresse ? Nul ne sait : le Hova tient à offense qu’on lui parle
femme et amour. Il n’est pas d’épithalames en sa langue, mais seulement
quelques contes joyeux, quelques chastes chants de fidélité et de timide aveu…
La volupté est une mystérieuse joie… Dans le cycle de l’enfer visible et parmi
ceux que hantent l’Européen, naît un sentiment trouble, confus, qui s’ignore et
nuance les âmes. C’est une tendresse inconnue s’effeuillant sur les
jours ; c’est le souvenir comme une rose jetée sur tous les instants de la
vie… Demain, la hideuse mort recouvrira les créatures du lambamena[1] et ne restituera que des lambeaux de leurs corps
à la tombe des ancêtres. Quels sacrifices seront offerts à leurs mânes ?
Quels parents, quelles femmes échevelées viendront gémir près du lieu des
ombres ?
(À suivre.)
Marguerite Augagneur.
Mercure de France
[1] Dernier manteau servant de
linceul.
L'intégrale en un livre numérique (un volume équivalant à 734 pages d'un ouvrage papier), disponible en deux endroits:
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