(Suite.)
Qu’étaient les mœurs, les
sentiments, les occupations, les misères, la vie et la physionomie des pauvres
habitants de cette cité de la lèpre dont le nom seul nous paraît déjà un
cauchemar, malgré le tableau bucolique de ses cases toutes chevelues de
feuilles, sous ses larges allées ombragées de grands arbres ? Les lettres
privées des admirables Sœurs vouées au salut et au soulagement de ces
malheureux ne nous en laissent pas ignorer grand’chose, par les détails
simplement donnés, mais singulièrement caractérisés, qu’elles nous apportent.
La lèpre, d’abord, dans
cette partie de Madagascar, ne produit pas l’effet d’horreur qu’elle nous
cause, et qu’elle inspire dans d’autres régions de l’île. Très naïvement
résignées, et possédant, peut-être sans le savoir, dans leur inoffensive
sauvagerie, une grande philosophie de la misère humaine, ces primitives
populations malgaches semblent un peu considérer l’effroyable maladie comme
nous considérons le rhumatisme. Elles n’en sont pas épouvantées, et la lèpre,
au surplus, sauf dans les cas extrêmes, n’offre pas en général, au moins dans
ces pays-là, l’atrocité de légende que nous supposons. Le lépreux du
Faravangana se désagrège insensiblement, petit morceau par petit morceau, sans
que cela soit même trop visible, et s’arrange avec son affreux mal comme nous
nous arrangeons avec l’asthme ou la goutte. Vous voyez un Malgache en qui rien
ne vous frappe. En le regardant toutefois avec un peu d’attention, vous vous
apercevez qu’il lui manque un doigt de pied ou un doigt de la main. C’est la
lèpre ! Au bout d’un certain temps, tous les doigts de la main ou du pied
seront tombés, puis le pied et la main eux-mêmes. Beaucoup de lépreux n’ont
plus ainsi que des moignons, mais dont ils se servent avec une habileté
surprenante. Ils marchent et travaillent comme les autres, vont et viennent,
allument le feu, font la cuisine, tissent des nattes, fabriquent des
instruments de musique, et en jouent. Et aucune douleur ! Leur chair ne
sent même plus les brûlures. Seulement, ils ont toujours froid, et, pour un
rien, prennent des pleurésies dont ils meurent !
(À suivre.)
Le Gaulois
L'intégrale en un livre numérique (un volume équivalant à 734 pages d'un ouvrage papier), disponible en deux endroits:
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