30 mai 2014

Il y a 100 ans : Une cité de lépreux (5)

(Suite.)
Ils appelaient fady certains aliments auxquels ils attribuaient superstitieusement des vertus malignes. Ainsi, il pouvait être de tradition dans une famille de ne pas manger de poule parce que la poule vous y portait malheur, et les membres de cette famille ne mangeaient dès lors jamais de poule. La poule, pour eux, était fady ! Ou bien, quelqu’un, un jour, croyait avoir été indisposé par un plat de riz et n’avait plus touché au riz depuis ce jour-là. Le riz, pour lui, était fady ! Ou bien encore un troisième avait perdu de l’argent après avoir mangé d’un fruit, et jamais, lui non plus, n’avait plus goûté de ce fruit. Ce fruit, pour le troisième, était fady ! Et des multitudes de nourritures différentes, les unes pour les uns, les autres pour les autres, étaient ainsi fady pour des multitudes de gens… Or, un jour, un homme et une femme s’étaient mariés, quand ils s’apercevaient que tout ce que mangeait le mari était fady pour la femme et que tout ce que mangeait la femme était fady pour le mari. Grand désappointement ! Ils cherchaient alors des plats de conciliation et mettaient l’un et l’autre toute leur bonne volonté à en trouver, mais n’y parvenaient pas. Ils finissaient par divorcer, profondément désolés !
Le mariage malgache, au surplus, n’a absolument rien de sévère. Si l’on veut trouver là-bas une institution véritablement sérieuse, imposant vraiment des devoirs dont on ne se moque pas, il faut la chercher ailleurs, et la plus respectée de toutes, la plus sacrée et même la plus terrible était, à Anbatoabo, celle des « Frères de Sang ».
Avec tout un ensemble de rites et d’évocations, les Frères de Sang se promettaient l’un à l’autre une fraternité éternelle et s’enchaînaient pour la vie par des liens indissolubles. Ils adjuraient d’abord solennellement les Esprits de les frapper de tous les maux, et même de la mort, s’ils ne respectaient pas leurs promesses. Les plus effrayantes malédictions étaient formulées ensuite contre l’infidèle, et chacun, à la fin de la cérémonie, buvait une goutte du sang de l’autre. Ces Frères, après cela, se devaient toujours aide en tout, et l’on sait à quelles tragédies devaient quelquefois aboutir ces serments.
(À suivre.)

Le Gaulois


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