28 mai 2014

Il y a 100 ans : Une cité de lépreux (3)

(Suite.)
L’horrible mal, cependant, les ronge toujours. La jambe ou le bras, entamés à leur tour, disparaissent aussi peu à peu. D’autres fois, c’est le visage qui s’en va de même, ou l’épaule, ou bien la poitrine. Quelques-uns, à la longue, ne sont plus littéralement que les deux tiers d’un homme ou d’une femme. Mais ils n’en continuent pas moins à se traîner dans les villages, où ils ne marchent plus parfois que sur les genoux ou sur des bâtons. On les voit encore se montrer ou se promener ainsi sous les toits de feuilles des cases et sous les ombrages des allées. Un vieux charpentier n’avait plus ni mains ni pieds, et ne pouvait plus faire son métier, mais pouvait encore danser, se faisait payer ses danses, et gagnait sa vie en dansant et en chantant. Il s’appelait Ibésa, se soutenait sur un grand bâton plus haut que lui, portait des plumes sur la tête, une queue de vache au menton en guise de barbe, avait une excellente figure de vieux noir attendri et gai, était poète, et mettait sa propre histoire en complaintes. Il chantait et il dansait ses malheurs !

*

Chaque village était habité par une tribu, et chaque tribu ne comptait pas que des lépreux, mais il y en avait un ou plusieurs dans chaque famille. Tantôt les parents l’étaient mais les enfants ne l’étaient pas, et tantôt, au contraire, le mal épargnait les parents mais atteignait les enfants. Les uns, et c’était le plus grand nombre, n’en étaient touchés qu’à un certain âge, d’autres en étaient frappés tout jeunes, d’autres ne l’étaient jamais, et tous, dans chaque famille, contaminés ou non, vivaient indifféremment ensemble. Tous les matins, les Sœurs se rendaient dans les cases pour y panser les impotents, soignaient un peu plus tard les moins malades au dispensaire, et le médecin colonial venait régulièrement faire son inspection. Le piroguier allait le chercher sur l’autre bord de la rivière, le passait, et le remmenait ensuite dans sa pirogue.

(À suivre.)
Le Gaulois


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