(Suite.)
Ils enlèvent les fétiches
sans lesquels l’homme est désarmé en face des mauvais esprits… Et qu’est donc
ce vague paradis où l’on joue de la valhya en regardant l’Andrianamanitra,
cependant que les ombres désespérées des ancêtres pleurent parmi les feux éternels ?
Qui donc les accueillera au seuil du tombeau et les suivra dans la grande
Nuit ? Les nègres, les femmes, les Hovas mêmes sont haletants de colère.
L’ombiassy représente la tradition nationale, le passé de leur histoire, la
protestation de leur race. Ah ! qu’on leur rende leur maison, leur amour,
leur fady ! Nul ne songe, parmi eux, que c’est pour le salut commun,
l’extinction du fléau, qu’on les isole et qu’on leur interdit d’aimer. Soumis à
la fatalité, ils ne la veulent point fuir : ce sont là révoltes de Blancs.
Le Prométhée qui donna aux hommes le feu et l’espérance n’a jeté à ces sauvages
que le feu. Une élite, en ce peuple, perçoit les idées générales, mais la foule
vit dans l’amour du sol, le respect des coutumes et des préjugés. Le mode et l’objet
de leur vénération séparent les peuples plus que les océans et précipitent
d’injustes conquêtes.
Ô rites funèbres !
festins de zébu auprès d’un tombeau, mets présentés aux ombres ! limbes
indéfinissables où errent, sans larmes, les ancêtres debout dans la Nuit !
Oiseau d’argent qui chantes alors que s’effeuillent les derniers instants de la
vie, vous êtes l’expression de l’âme et le geste d’un peuple dont le culte n’a
point de sens ésotérique et se limite au respect des générations ! Vous êtes
nés du sol rouge avec les êtres qui vous ont donné les formes de leur esprit et
ne sont point pénétrés, sous le soleil splendide, par cette douleur d’exister,
cette soif d’absolu, cette recherche désenchantée d’un fuyant idéal qui hantent
les âmes occidentales, pleurantes sous un ciel obscur, et troublant de leurs
vaines pensées le repos des dieux.
*
Ce soir, le gardien, un
nègre menteur, a commencé sa ronde et, quand il arrive au village des hommes,
il trouve les cases désertes. Sauf quelques agonisants ou ceux que clouent au
sol leurs jambes énormes et purulentes, tous sont partis.
(À suivre.)
Marguerite Augagneur.
Mercure de France
L'intégrale en un livre numérique (un volume équivalant à 734 pages d'un ouvrage papier), disponible en deux endroits:
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