9 août 2014

Il y a 100 ans : Les douaniers de Tamatave protestent

On va construire une caserne pour douaniers à la Pointe-Hastie, et déjà, comme les gardes républicains, à Paris, l’année dernière, les douaniers de Tamatave se plaignent des inconvénients du casernement. Ces braves gens, qui ne sont plus des bleus, dont beaucoup même sont pères de familles, souffriront d’une désagréable promiscuité. Le travail terminé, ils aimeraient être chez eux en famille, se délasser de leurs fatigues ; or, ils vont se trouver en plein caravansérail.
De plus, le nombre de « pièces pour ménages » étant limité, ne se mariera pas qui voudra. Il faudra attendre le départ, la retraite ou la mort d’un camarade pour convoler à son tour. Encore sera-t-il prudent de prendre son numéro !
Les célibataires prendront leurs repas en commun, et c’est là un autre motif de récriminations. Ce corps étant recruté un peu dans toutes les provinces de France, voire même aux colonies, le maître-queue aura fort à faire pour donner satisfaction au Bordelais qui aime le bon vin, au Marseillais qui se délecte d’aïoli et au créole qui préfère le riz et la rougaille. Fera-t-on la cuisine au beurre, à l’huile ou au saindoux ? Cruelle énigme !
On parle d’envoyer dans les postes isolés, c’est-à-dire dans la brousse, le surplus des ménages ; ils seront loin de tous secours médicaux, privés des ressources que fournissent les grands centres.
Qu’un enfant vienne à tomber malade et voilà un grave sujet de préoccupation pour le père dont le service ne pourra qu’en souffrir.
Il paraît que ce projet de caserne a pour cause une question d’économie : le bâtiment de la Pointe-Hastie coûtera, il est vrai, 45 000 francs, mais permettra de supprimer l’indemnité de logement. Nous ne croyons pas qu’il soit digne de l’État de lésiner ainsi sur le dos de fonctionnaires méritants.
Il paraît, d’ailleurs, que M. Picquié n’y serait pour rien ; l’initiative de cette décision reviendrait au chef du Service des Douanes, récemment rentré en France. Elle n’a pas une bonne presse à Tamatave.

Le Courrier colonial


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