En dépit des progrès de
notre civilisation dans la Grande Île, malgré tous nos efforts pour mettre un
terme aux escroqueries des sorciers, tant ombiasy
que sikidy, leur influence n’a guère
diminué chez les indigènes.
Voici une récente
histoire de bœufs qui va donner une idée des procédés de ces dangereux
charlatans.
Un Malgache, en se
mariant, avait donné à sa femme deux bœufs en dot ; celle-ci les confia à
son père, habitant un village éloigné d’une demi-journée à peine de leur
résidence.
Peu de temps après, ils
apprirent que les deux bœufs avaient disparu. Le frère de la femme était venu
leur en apporter la nouvelle. Le ménage, très affecté, se hâta de se rendre sur
les lieux pour essayer de retrouver les animaux. N’y pouvant parvenir, il
s’adressa à l’ombiasy.
Celui-ci conduisit le
mari et la femme, accompagnés du frère de cette dernière, devant le troupeau
paternel.
— Mais les voici vos
bœufs, s’écria-t-il, montrant le troupeau ; je les vois là, devant moi.
Les autres eurent beau
écarquiller les yeux, ils ne voyaient que les bœufs du père et du frère, mais
pas les leurs.
L’ombiasy paraissait
stupéfait ; puis il s’écarta un instant, se recueillit et comme sous le
coup d’une subite inspiration :
— Je sais, dit-il à
la femme, pourquoi ni toi ni ton mari vous ne pouvez voir vos bœufs ; tu
as commis une faute à l’égard de ta mère en n’en sacrifiant pas un à ses mânes
quand ton mari te les a donnés. Tant que tu n’auras pas réparé cette faute, tu ne
les reverras pas.
Les malheureux,
convaincus de l’exactitude de cette histoire, s’empressèrent d’acheter un autre
bœuf, fourni d’ailleurs par l’ombiasy lui-même, de le sacrifier aux mânes
irrités de la belle-mère et, ayant pu « revoir » leurs bestiaux, de
rémunérer largement l’ombiasy ;
celui-ci, d’ailleurs, partagea avec le frère, son complice.
Dans tous les pays du
monde, de tels procédés constituent des escroqueries et sont punis par les
lois.
Il serait nécessaire qu’à
Madagascar des exemples sévères y mettent un terme.
Le Courrier colonial
L'intégrale en un livre numérique (un volume équivalant à 734 pages d'un ouvrage papier), disponible en deux endroits:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire